BEN DE LA COUR – New Roses

Jullian Records
Americana, Electro, Indus
BEN DE LA COUR - New Roses

Il est des artistes dont on suit la carrière de loin en loin, avec la conviction profonde qu’il ne faut surtout pas les perdre de vue. Ce fut jadis le cas avec des icônes telles que Dylan, Cohen, Lou Reed, Neil Young, Van Morrison, John Prine et Townes Van Zandt, et il en va de même aujourd’hui avec Sam Lewis, JD McPherson et Sturgill Simpson. Leur point commun? Outre leur indépendance farouchement revendiquée, chacun de ces lascars s’emploie depuis ses tout débuts à surprendre le chaland, tout en préservant son intégrité contre vents et marées. Ben De La Cour (chroniqué dernièrement ICI, ICI  et ICI) est assurément de cette lignée, et ce n’est pas cette nouvelle livraison qui nous démentira sur ce point. Comme Neil Young circa “Trans”, ce brave Ben semble avoir découvert sur le tard les vertus des drum-machines et des synthés, ces ennemis héréditaires de l’Americana (ainsi que des guitaristes, des bassistes et des batteurs). Et bien que son art n’ait jusqu’alors jamais revendiqué la moindre orthodoxie, il faut concéder que le “I Must Be Lonely” d’ouverture présente de quoi désarçonner le fan le plus mordu. On s’y croirait en effet davantage en présence de John Foxx, Gary Numan ou David Sylvian que d’un lointain héritier de Woody Guthrie… Réintroduisant les guitares (fussent-elles électriques), “The Devil Went Down To Silverlake” n’aurait pas déparé pour sa part un album de Nine Inch Nails, tandis que sa construction n’en présente pas moins la structure du folk-song réglementaire. Et l’on pige dès lors qu’en dépit des apparences, Ben De La Cour n’a finalement pas changé: ce type est autant metteur en scène que musicien, et tout ce qui peut servir son propos est pour lui bon à prendre. Le crépusculaire “Bad Star” rassure toutefois le fidèle désorienté, en renouant avec la veine semi-acoustique de ses récents “Sweet Anhedonia” et “Shadow Land”, avant que “Beautiful Day” n’en fasse autant avec celle du Loner de “Vampire Blues” (“woke up this morning, and thought I had died”… ce genre). Sur un beat languide de cheval fou (faut-il vraiment vous le traduire?), Ben y épouse en effet non seulement l’humeur atrabilaire de “On The Beach” et “Zuma” (mes deux favoris du caractériel de l’Ontario), mais aussi leur climat ombrageux, saturé de six cordes en sustain. Il n’en faut pas davantage pour que Ben n’empoigne à nouveau sa guitare en bois creux pour délivrer en picking le sentimental “We Were Young Together Once”, qui fera verser une larme à tous les boomers ayant désormais perdu plus d’un proche. L’ombrageux “Jukebox Heart” n’en sonne pas moins comme un outtake du “Lust For Life” d’Iggy, et on en vient à se demander s’il ne faudrait pas convoquer un exorciste pour en éloigner le spectre de Bowie. Plus que jamais adepte du grand écart, Ben délivre avec “Christina” une délicate bluette acoustique en picking, non dénuée d’ironie pour autant (“Christina says: my boyfriend’s such an asshole”…), avant que “King Rex/ Biloxi” n’emprunte les travées boisées du Elton John de “Honky Chateau”. Comment l’auditeur moyen y retrouvera-t-il ses petits semble dès lors le cadet des soucis de l’artiste, et “Stuart Little Killed God (On 2nd Ave)” achève d’en perpétuer le malaise, en évoquant le “Third” de Big Star (où Alex Chilton partait en vrille, avec la bénédiction d’un Jim Dickinson à peine moins à l’Ouest). Retour à l’indus le plus abrasif avec ce “Lost Highway” qui doit son titre au regretté David Lynch. Les dissonances de Sonic Youth n’en sont guère éloignées, et on est alors persuadé que Ben n’a plus guère à secouer de la niche qui constituait jusqu’alors son public. La plage titulaire qui clôt l’affaire a beau tenter de renouer avec un folk de bon aloi, ce disque ne semble s’adresser qu’à la frange la plus open-minded de l’auditoire de ce songwriter déjà cantonné à la marge… Courageux, pour le moins!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, May 23rd 2025

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