Various – Something Borrowed, Something New: A Tribute to John Anderson

Easy Eye Sound
Americana, Country
Various - Something Borrowed, Something New: A Tribute to John Anderson

Pas la peine de faire les malins: demandez à quiconque de ce côté de l’Atlantique s’il a déjà entendu parler de John Anderson, et dans le meilleur des cas, on vous citera l’ex-frontman déchu de Yes (dont le prénom est cependant dénué de ‘h’). C’est que, hormis une niche restreinte d’initiés, la country music contemporaine demeure un sombre objet d’ignorance en nos contrées (où, hormis Willie Nelson, Kris Kristofferson et Johnny Cash, on confond encore parfois Dolly Parton avec Yvette Horner – toilette oblige – quand ce n’est pas Loretta Lynn avec Taylor Swift). De son vrai (pré)nom David Alexander, ce John Anderson-ci n’en demeure pas moins l’un des tenants les plus fervents du courant dit néo-traditionnaliste, qui revint au cours des années 80 et 90 à une notion moins sécularisée des canons du genre (que ce fût en matière d’arrangements ou de thèmes), et l’on emploie d’autant plus volontiers le présent pour l’évoquer que le bougre s’avère encore des nôtres. Et donc, un album-hommage de son vivant? Nous qui pensions qu’il n’y avait qu’Elton John pour susciter ce type d’engouement collectif! Car le casting présente déjà de quoi impressionner le chaland: outre le regretté John Prine (qui ouvre quant à lui le ban à titre posthume), on y dénombre des cadors comme Gillian Welch, David Rawlings, Sturgill Simpson, Ashley McBryde et Nathaniel Rateliff, parmi quelques artistes émergents tels que Sierra Ferrell, Brent Cobb, Eric Church, Tyler Childers, Luke Combs et Del McCoury. Le répertoire d’Anderson regorge de hits dont se repaissent depuis quarante piges les radios spécialisées, et leurs auditeurs les plus férus y reconnaissent dès les premières mesures la geste et le timbre du bonhomme. Autant dire que s’y frotter peut relever parfois de la gageure, et que certains passages de ce panégyrique risquent de hérisser quelques puristes. Pour l’un de ses ultimes enregistrements en ce bas monde, l’inoubliable John Prine se fend d’une émouvante interprétation de “1959”, et Sierra Ferrell propose une délicate relecture du “Years” qui remit Anderson en selle après une relative éclipse au début de ce millénaire, tandis que Brent Cobb se sort la tête haute de “Wild And Blue”, en teintant son three-steps typique d’une touche louisianaise où sa pedal-steel lacrymale s’accommode d’un accordéon et d’un violon cajuns. Penchant qu’accentue encore Nathaniel Rateliff, en apposant à “Low Dog Blues” le sceau du swamp si cher à deux autres grands regrettés, Leon Russell et Duane Allman. Eric Church persiste dans cette veine lowdown funky, avec un “Mississippi Moon” que n’aurait sans doute pas dédaigné Tony Joe White, avant que Gillian Welch et David Rawlings ne livrent une version sensible du nostalgique “I Just Came Home To Count The Memories”, où leurs voix mêlées ne sont pas sans évoquer le duo que formaient jadis Emmylou Harris et Gram Parsons. Tyler Childers s’engage davantage encore dans l’old time appalachien pour un “Shoot Low Sheriff!”, baigné de fiddle et de bluegrass banjo. Virage à 180° avec le classique “Seminole Wind”, auquel Luke Combs imprime sa marque country-rock, orgue, drums et electric guitars à l’appui, avant que le grand Sturgill Simpson (chroniqué ICI et ICI, sous le nom de Johnny Blue Skies) n’abatte son master stroke avec un “When It Comes To You” qui groove comme le “Cajun Moon” de JJ Cale, et dont les choruses de wah-wah caquetante ne démentent toutefois pas l’ancrage agricole. La cover du “You Can’t Judge A Book” de Willie Dixon par Brothers Osborne prend des accents honky-tonk dignes de Lynyrd Skynyrd (quand ces derniers adaptaient à la même sauce le “Call Me The Breeze” du même J.J. Cale), et le nouveau venu Del McCoury invite Sierra Hull à se joindre à lui pour un “Would You Catch A Falling Star” plus okie que nature. La grande Ashley McBryde déploie quant à elle toute l’émotion dont elle est capable pour un “Straight Tequila Night” à fondre (assurément l’une des perles de cette collection), et c’est au propre rejeton d’Anderson, Jamey, qu’il échoit de conclure avec sa cover du “I’m Just An Old Chunk Of Coal (But I’M Gonna Be A Diamond Some Day)” de Billy Joe Shaver (pour l’interprétation duquel son paternel rafla en 81 un Grammy Award en tant que Best Male Country Vocal Performance). Grand ordonnateur de ces sessions, Dan Auerbach (qui en partage les production duties avec David Ferguson) venait alors de remettre une fois encore cet artiste de premier plan au goût du jour, avec l’album “Years” (paru sur son label en 2020). À l’occasion de ces treize nouveaux tributes, John Anderson rejoint Rodney Crowell (chroniqué ICI) au rang des grands passeurs contemporains de la country. Belle anthologie, quoi qu’il en soit.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, December 30th 2025

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