STURGILL SIMPSON – Cuttin’ Grass Vol.2

The Cowboy Arms Sessions // High Top Mountain / Thirty Tigers
Bluegrass, Country
STURGILL SIMPSON - Cuttin' Grass Vol.2

Les tâches domestiques ne sont pas dénuées d’une certaine noblesse. C’est du moins ce que prétendait Leonard Cohen, qui affectionnait particulièrement faire la vaisselle. Rufus Thomas obtint en 1963 un hit célébrant la promenade rituelle de son chien, et Sturgill Simpson prétend, sur ses deux derniers albums parus à trois mois de distance, glorifier la tonte du gazon! Il faut toutefois y entendre (ou plutôt double-entendre) un jeu de mots relatif à sa démarche artistique du moment. Révélé en 2016 avec son premier album sur une major, l’épatant “A Sailor’s Guide To Earth” (les deux précédents ayant paru sur le label indépendant High Top Mountain, à nouveau à l’œuvre ici), ce natif du Kentucky (comme Bill Monroe) avait alors gagné ses galons sur la très active scène néo-country. Statut qu’il s’empressa de piétiner allègrement trois ans plus tard, en publiant le tonitruant “Sound & Fury” chez Elektra! Pour achever de désorienter les plus fidèles de ses followers, ce trublion s’attache à présent à revisiter son propre répertoire à la sauce bluegrass. À ceux de nos lecteurs qui ne connaîtraient de ce style que les transpositions parodiques d’Hayseed Dixie, on précisera avec toute la concision requise qu’il est un peu à la country ce que représente le salafisme pour l’interprétation des préceptes de l’islam. Puisant ses racines au cœur de l’Old Time Music, le bluegrass trouve de nos jours encore ses adeptes les plus acharnés au cœur des Appalaches, et ne s’autorise l’usage que d’instruments purement acoustiques tels que le violon, le banjo, la guitare et la mandoline (ces trois derniers uniquement joués en picking, technique impliquant l’usage de chacun des doigts de la main droite). La plupart de ces pickers s’avèrent en outre de véloces virtuoses, comme en témoigne furtivement la B.O. du traumatisant “Deliverance” de John Boorman. Y adjoignant ici la contrebasse déterminée de Mike Bub (dont les parties étaient à l’origine exécutées au washtub), Sturgill Simpson s’est entouré d’un septette de tueurs patentés dans ce registre, agrégés sous le vocable collectif de Hillbilly Avengers. Si certaines plages préservent leur parfum country initial (tout en se rapprochant sensiblement des racines du genre, tels “Oh Sarah”, “Sea Stories”, “Hero” ou “You Can Have The Crown”), et si “Keep It Between The Lines” s’octroie le culot d’une impayable fusion country-soul, les douze plages qui constituent ce réjouissant artefact remettent au goût du jour un courant musical auquel le rocker moyen s’est longtemps prétendu allergique. Les fans de Creedence et J.J. Cale avaient quant à eux compris de longue date: à votre avis, “Clyde” et “Precious Memories” du second et “Looking Out My Back Door” des premiers, c’était quoi? Les mélancoliques “Welcome To Earth”, “Jesus Boogie”, “Tennessee” et le poignant “Hobo Cartoon” permettent à Sturgill Simpson de tenir la dragée haute à des new kids in town tels que Colter Wall et Charley Crockett, tandis que derrière lui, l’aréopage de picking-slingers ne fait pas de quartier dans la dentelle. Ne vous fiez pas au trivial second degré de sa pochette: un authentique classique!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 22nd 2021

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Sturgill Simpson – Cuttin’ Grass Vol 2 (Cowboy Arms Sessions) Full Album 2020:

J.J.Cale – Clyde (music video):
https://www.youtube.com/watch?v=QEOIiIaJoPg

Creedence Clearwater Revival – Lookin’ Out My Back Door (Official Video):