JOHNNY BLUE SKYES – Passage Du Désir

High Top Mountain / Because
Americana
JOHNNY BLUE SKYES - Passage Du Désir

Alors qu’il vient tout juste de célébrer son 46ème anniversaire, Sturgill Simpson décide de n’éditer son septième album à ce jour que sous un pseudonyme. Une histoire à la con, issue d’un serment passé, selon lequel il s’engageait à ne publier que cinq disques studio sous sa réelle identité. Nous vous avions néanmoins déjà commenté le sixième (ICI), mais cette fois la crise d’identité semble avoir été sincère. Après avoir perdu l’usage de ses cordes vocales lors d’une tournée entamée en 2021 avec le vétéran Willie Nelson, il eut à affronter une sévère dépression. Maintenu loin du music business par la force des choses, il entreprit de voyager pour échapper aux idées noires, et depuis la Thaïlande (où il séjourna six mois), il finit par atterrir à Paris en pleine fête de la musique. Notre capitale agit sur lui comme une thérapie (faut être Américain, pour ça – demandez donc aux Parisiens ce qu’ils en pensent!), et après six autres mois de pérégrinations et de déambulations, sa voix revenue, sa muse se remit elle aussi en action. Notre homme se trouva dès lors avec la matière pour près de quatre nouveaux albums en perspective!.. Comment honorer mieux sa promesse que d’adopter alors le moniker de Johnny Blue Eyes? Avec pour co-producteur David Ferguson (John Prine, Johnny Cash), Sturjohnny assume le parrainage des Quais de Seine en introduisant “Swamp Of Sadness” par un accordéon évanescent, avant d’opter pour le ton fourbu auquel il nous a acclimatés. Entre Merle Haggard, Prine et Mickey Newbury, cet hymne choral n’est pas sans évoquer ces chants d’armistice dont le Band faisait jadis son ordinaire. L’imparable “If The Sun Never Rises Again” emprunte cette moîteur yacht-rock dont Michael Franks et les Eagles déposèrent la formule, chœurs, orgue moelleux, cocottes tétues et lead guitar de requin-champion en sautoir. Publié entre 1974 et 1980, ce truc lui aurait sans doute permis de s’offrir une propriété à Malibu, mais Johnny Sturgill s’en fout, il ne fait pas de musique pour les charts. À preuve, son “Scooter Blues” (inspiré de ses aventures à Bangkok) n’aurait pas déparé le répertoire du grand Jim Croce (cf. “Bad, Bad Leroy Brown”), si ce n’est qu’il y a plus d’un demi-siècle que ce dernier nous a quittés dans un crash de bimoteur. Au passage, si quelqu’un connaît l’identité du méchant lascar qui y officie aux six cordes, je reste preneur. Mais si d’aventure un gougnafier quelconque ose vous indiquer que “Jupiter’s Faerie” lui rappelle Elton John, envoyez le paître, car cette tragic ballad (traitant du suicide d’un ami) est bien plutôt digne de Harry Chapin et Lowell George (réécoutez donc son “Truck Stop Girl”). Joué lors des funérailles de Lady Di, ce morceau aurait sans aucun doute fait bondir le cours du Kleenex à Wall Street. “Who I Am” s’avère en quelque sorte le pendant Bakersfield du “All Things Must Pass” de George H., avec pour vers “I’ve lost everything I am, even my name/ Been going through changes and finding clarity/And comfort in just knowing nothing ever stays the same“. “Right Kind Of Dream” nous ramène dix ans plus tôt, quand son “Metamodern Sounds In Country” bouleversait les codes du genre, en y introduisant des arrangements synthétiques. Digne de Nick Lowe, ce titre ne se serait pas moins facilement intégré au répertoire du Robert Palmer de “Clues”. Et ce, sans que personne n’y trouve à redire: a good song remains a good song, ain’t it? Après cela, “Mint Tea” nous refait le coup de la country song psychédélique, façon Poco et New Burritos: vent dans les sassafras et poussière rouge sur le pare-brise au soleil couchant. Dans cette vie-là aussi, il y a des cactus… Comme son titre l’indique, “One For The Road” célèbre l’appel du grand large, selon un crescendo à mi-chemin de “Wild Horses” et du Jackson Browne de “The Pretender”. Capté entre Nashville (Clement House Recording Studio) et Londres (Abbey Road), voici donc un disque qui signe un semi-échec: rends-toi, Sturgill, on t’a reconnu… mais l’album est tellement sublime qu’on n’a sans doute pas fini de se le repasser en boucle. Chef d’œuvre, oui.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, July 23rd 2024

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Le “Passage du Désir” est une voie privée située dans le 10ème arrondissement de Paris, située entre la rue du Faubourg-Saint-Martin et la rue du Faubourg-Saint-Denis.
A découvrir sur le site Paris Promeneurs, ICI

Album (CD et vinyles) à commander ICI