LITTLE BOB STORY – Last Night In Paris at La Cigale

CAT RECORDS
Rock 'n roll
LITTLE BOB STORY - Last Night In Paris

L’excellent label Cat Records du sincère et passionné Thierry Cattier, heureusement, il en reste encore quelques-uns dans ce bas monde où tout est devenu superficiel ou presque, entre ingratitude et fourberies de Scapin ou de la commedia dell’arte, l’excellent label Cat Records disais-je, a eu la très bonne idée de ressortir des tiroirs, d’exhumer des vestiges du passé, l’ultime concert de Little Bob Story à Paris, à La Cigale, du 23 mars 1988, issu du Ringolevio Tour, en double CD Digipack. Et à l’écoute de ce live intitulé Last Night In Paris, c’est une évidence que tous ces titres de la Story, témoignage privilégié d’une fantastique épopée malheureusement inachevée, digne d’une œuvre de Zola ou de la mythologie, non pas grecque, mais de la malédiction du rock’n’roll, ne demandaient qu’à ressusciter, qu’à renaître de leurs cendres, pour de nouveau cracher tous ces brûlots comme la lave en fusion d’un volcan trop longtemps endormi, trop longtemps enfoui dans les profondeurs de notre subconscient, dans le compartiment des souvenirs musicaux impérissables du style: Putain, c’était vraiment mieux avant!

Et comme à l’accoutumée, rien, vraiment rien ne sera épargné à Bob. En effet, à quelques jours de commencer la tournée, le bassiste Fred Lemarchand, qui joue pourtant sur le dernier album studio de Little Bob Story, Ringolevio, jette l’éponge pour d’obscures raisons qui lui appartenaient à l’époque, laissant le groupe dans un profond désarroi et dans la panade. Heureusement, Bob avait l’habitude des galères les plus inattendues, de toutes les épreuves et autres sarcasmes de la vie, avec la peau dure tannée comme du cuir et toujours un cœur énorme. Non, encore plus gros que ça! Pour parer à cette défection de dernière minute, le bassiste anglais Paul Gene-Burroughs, remarquable musicien de rock’n’roll soit dit en passant, fut recruté à la hâte et enrôlé au hasard de cette aventure au jour le jour, mais ô combien exaltante. Car à cette époque, et depuis plusieurs années, avec leurs voisins les Dogs de Rouen, le groupe venu des docks du Havre et des pavés mouillés, était sans conteste ce qui se faisait de mieux dans l’hexagone et même au-delà de nos frontières.

Même si Ringolevio a été certainement l’album le plus controversé de LBS, avec une légère déviance vers un rock un peu plus hard, avec la guitare et les compos d’Yves Chouard et la présence gouailleuse et graisseuse, à l’haleine inflammable arrosée copieusement au Jack Daniel’s, de Lemmy Kilmister de Motörhead. Comme dans le bouquin d’Emmett Grogan et ces jeux dangereux dans les rues de Brooklyn, il était indispensable de prendre des risques, pour garder la rock’n’roll attitude, l’esprit rebelle et la folie créatrice. One, Two, Three, Ringolevio! Je rappelle à toutes fins utiles, aux plus septiques et autres éventuels béotiens (il y en a?), qu’en 76-77, époque bénie de Living In The Fast Lane, Little Bob Story traversait souvent la Manche pour aller donner des leçons de rock’n’roll aux rosbifs et aux groupes phares du moment qui sévissaient du côté de la Tamise et qui faisaient semblant de ne pas faire attention à ces petits frenchies qui avaient l’outrecuidance et la hardiesse de venir manger leurs puddings sur leur terre. Et pourtant, tous ces illustres musicos, ne rataient aucun concert de Bob et ses sulfureux acolytes, GGG, Barbe Noire, Mino Quertier, etc… grimés comme une bagnole volée et en toute discrétion. Même les tabloïds anglais comme le New Musical Express, le Sound ou Melody Mecker ne tarissaient pas d’éloges à l’égard de ces havrais décomplexés qui ne doutaient de rien, à juste titre…

Pour le Ringolevio Tour, le line-up se compose de Yves Chouard ou Yves Choir, ex-guitariste de Balavoine et de Renaud, hélas décédé à Paris en 2008. En 1988, il assure la production artistique de l’album Quartier Libre de La Souris Déglinguée et en 1989, Yves Chouard sortira un album de rock instrumental By Prescription Only, en compagnie de son fils Sébastien, lui-aussi guitariste, qui jouera plus tard avec Dick Rivers, entre autres… Gilles Mallet (guitare) et Nico Garotin (batterie), comparses de Bob depuis 1981 et la préparation de l’album Vacant Heart (RCA 1982), Mickey Blow ex-Stunners (harmonica), qui fera la tournée Mister D aux côtés de Dick Rivers, Paul Gene-Burroughs (basse) et bien sûr Roberto Piazza, alias (le grand, très grand) Little Bob, un exemple de droiture et de sincérité, l’une des plus belles voix du rock’n’blues hexagonal, une voix à donner le frisson et à remuer vos sens au plus profond, à mi-chemin entre Southside Johnny et Willy DeVille, sans oublier Eric Burdon, Howlin’ Wolf et Tom Waits… Tout ce cocktail détonnant, toute cette alchimie sublime et audacieuse, donne Little Bob.

En ce soir de printemps 1988, la Cigale sold out du boulevard de Rochechouart est en effervescence, car entre Bob et Paris, c’est une longue et belle histoire d’amour. Bonsoir Paris! Little Bob Story attaque fort avec Ringolevio, qui d’entrée de jeu donne le ton et prouve, si nécessaire, que Bob a autour de lui une énorme machine de guerre, prête à tout déboiter. Le sang va couler et il n’y aura pas de quartier. Le coton hydrophile et le Synthol s’imposeront pour soigner les blessures, les cœurs qui saignent et les âmes cabossées. S’enchainent ensuite à vitesse grand V tous les standards du groupe, So Crazy de Marc Minelli, autre figure de proue du rock havrais, qui était sur Too Young To Love Me en 1984. Quelques covers comme Greenback Dollar de Hoyt Wayne Axton, titre qui sera popularisé par The Kingston Trio, puis repris en français par Les Missiles, natifs d’Oran (Algérie) sous le titre Sacré Dollar, avec l’accent pied-noir qui donne à cette adaptation, un petit côté exotique. Kik Out The Jams de MC5 (1969), célèbre groupe de Detroit de Wayne Kramer et Rob Tyner. Mother Fucker!  Play With Fire des Rolling Stones ou encore I Fought The Law de 1959, du texan Sonny Curtis, ex-guitariste des Crickets de Buddy Holly. Titre qui sera également repris par Bobby Fuller, The Clash, The Stray Cats ou encore Ducks Deluxe… Ainsi qu’une pléiade de titres originaux comme Hurt So Badly, Too Young To Love Me, Light On My Town, Riot In Toulouse, pour conclure sur une version de High Time vitaminée, époustouflante et d’anthologie!

Le public était tellement enthousiaste et surexcité par le rock’n’roll de Little Bob Story, après moult rappels, et au regard de l’heure tardive, que le concierge de la Cigale a dû couper le compteur électrique et mettre tout le monde dehors à grands coups de pied au cul! Ce soir-là on ne savait absolument pas que nous venions d’assister à l’ultime concert de Little Bob Story à Paris. Last Night In Paris. Quelques semaines après, en 1989, lassé par les ventes moyennes de Ringolevio, pas sorti à l’étranger, et par l’incompréhension des grands médias, Bob décidera de rendre les armes et de saborder le groupe, son groupe, sa story, bref sa vie. Mais depuis plusieurs mois déjà, LBS n’était plus vraiment un groupe, mais des musiciens hétéroclites derrière un chanteur, dont la plupart n’habitaient pas ou plus au Havre mais à Paris. Cette décision a été pour Bob un véritable crève-cœur, comme dans une œuvre de Molière ou de Racine. La dramaturgie à son paroxysme. Lors de la soirée de son label à la Tour Eiffel, il a fallu que le SAMU sorte le grand jeu pour venir en aide à Bob, qui pour une fois, lui d’habitude solide comme un roc(k), submergé par l’émotion et la douleur, était en grandes difficultés. Quoi qu’il en soit, cet album live de LBS s’avère INDISPENSABLE et est à ranger au milieu de Get Yer Ya-Ya’s Out! des Stones et de Jerry Lee Lewis Live at the Star-Club de Hamburg. Nobody’s Born To Lose and Never Cry About The Past… Dans quelques années, devant l’âtre de la cheminée, je pourrai dire à mes petits-enfants, avec quelques trémolos dans la voix et l’œil humide, j’y étais! Ce 28 mars 1988, j’étais à la Cigale pour Last Night In Paris de Little Bob Story! Total respect et gratitude éternelle à mon ami de longue date Roberto “Bob” Piazza et merci à Thierry Cattier boss du label Cat Records.

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, June 30th 2025

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Tracklisting:

CD1:
1 Ringolevio
2 Shadow Lane
3 So Crazy
4 Green Back Dollar
5 Life Goes On
6 Moving Slowly in The Dark
7 Sad Song
8 Switchblade Julie
9 Hurt So Badly
10 Too Young to Love Me

CD2:
1 Motorcycle Boy
2 Roads of Freedom
3 Kick Out Of The Jam
4 Crosses On The Hill
5 Play With Fire
6 Light Of My Town
7 I Fought The Law
8 Riot in Toulouse
9 Nobody’s Born To Lose
10 Mad Dog
11 Tell Everybody the Truth
12 High Time