Warren Haynes – Man In Motion

Provogue
Blues

La réalisation d’albums sous son propre nom étant exceptionnelle puisqu’il n’en avait signé que deux depuis le début de sa carrière, il faut bien reconnaitre que rareté est synonyme de très grande qualité. Et, cerise sur le gâteau, l’occasion nous est donnée de découvrir un Warren Haynes que nous n’avions pas encore eu le loisir d’apprécier en tant que tel dans tous les albums qu’il avait réalisés précédemment. Et je ne vous apprendrai pas grand-chose en vous répétant qu’ils sont légions, qu’il s’agisse de Gov’t Mule avec qui il enregistra 16 disques, du Allman Brothers Band avec qui il en grava 7, du Dave Matthews Band avec qui il joua le temps de creuser les sillons de deux galettes ou de ceux du Dead, en compagnie de Phil Lesh. Sans compter les apparitions éphémères qu’il fit chez Garth Brooks, David Allan Coe, Kevin Kinney ou dans le Derek Trucks Band de son compagnon du ABB.

Avec un peu moins d’ouvrages que de printemps, il est aisé de comprendre que l’artiste a eu tout le loisir de mûrir son projet, aussi bien du point de vue de la composition des morceaux que du choix des musiciens qui allaient l’accompagner: George Porter Jr à la basse (the Meters, the Funky Meters, John Scofield’s Piety Street Band, Porter Batiste Stoltz et 7 Walkers, le nouveau groupe de Bill Kreutzmann, pilier du Grateful Dead), Ivan Neville, fils d’Aaron Neville, multi instrumentiste et claviériste sur le ‘Dirty Work’ de 1986 et le ‘Voodoo Lounge’ de 1994 des Rolling Stones, membre du X- Pensive Winos de Keith Richards, de Spin Doctors ou de Dumpstaphunk, Ian McLagan, pianiste-organiste anglais (Small Faces, Faces, Bump Band, Grateful Dead, Black Crowes ou Billy Bragg’s Band), Raymond Weber à la batterie (Taj Mahal, Nils Landgren, Joe Sample, Dumpstaphunk avec Ivan Neville ou The Meters avec George Porter), Ron Holloway, saxophoniste ténor (Susan Tedeschi, Dizzy Gillespie, Gil Scott Heron, Root Boy Slim), sans oublier Ruthie Foster, nominée en 2009 pour le Grammy Award du Best Contemporary Blues Album et en 2010 aux Blues Music Awards dans la catégorie Contemporary Blues Female artist of the Year.

C’est sans nul doute l’adjonction d’une section de cuivres qui confère à cet opus une sonorité particulière. Les Grooveline Horns composés de Carlos Sosa au saxophone, de Fernando Castillo à la trompette et de Reggie Watkins au trombone, fournissent l’occasion à Warren de se démarquer de ce son typiquement rock sudiste qui lui collait aux santiags depuis un moment. Il peut ainsi aborder des rivages qui lui tenaient à cœur mais que les albums précédents ne lui avaient pas fourni l’occasion d’explorer.
Avec un son très seventies, le chanteur-guitariste-songwriter nous fait ainsi partager des atmosphères proches du gospel, musique sacrée contemporaine, nous plongeant également dans des ambiances qui nous évoquent les rhythm’n blues d’il y a quelques décennies.
Nous ne sommes parfois pas très loin non plus de morceaux de jazz où saxophone et trompette trouvent de quoi s’exprimer hardiment et librement, d’autant que le son de l’orgue vient renforcer cette impression de totale liberté créatrice qui caractérise le disque.

Un livret très bien fait nous montre le guitariste dans différentes postures, toujours avec de prestigieuses guitares à la main, et les paroles des dix morceaux sont une preuve supplémentaire qu’en plus de la composition musicale, le garçon est quelqu’un qui sait mettre de vraies paroles sur ses superbes mélodies.

Ce disque lie de manière particulièrement significative l’œuvre accomplie de l’artiste natif d’Ashville, Caroline du Nord, avec ce qu’il lui reste à découvrir du côté du jazz ou d’autres territoires musicaux à explorer. Ce qui ne fait que nous rendre encore plus impatient pour l’opus à suivre…

Dominique Boulay
Blues Magazine (Fr), Paris-Move,…
Warren Haynes