VARIOUS ARTISTS – Tell Everybody! – 21th Century Juke Joint Blues

Easy Eye Sound
Blues
VARIOUS ARTISTS - Tell Everybody! - 21th Century Juke Joint Blues

Que de chemin parcouru en vingt ans pour les Black Keys: après douze albums et huit EPs, ils sont passés du statut underground à la reconnaissance mondiale (apparaissant même sur scène auprès des Stones lors de leur tournée du cinquantenaire, “Grrr”), cumulant les awards et même les ventes physiques, à une époque où ce marché s’annonce pourtant en régression constante. Leur leader (si tant est que l’on puisse en discerner un au sein d’un duo), Dan Auerbach, a également su s’imposer en tant que producteur et manager de son propre studio et label basé à Nashville, depuis lequel il tend à son tour la main à des artistes émergents, oubliés ou jusqu’alors négligés. En dépit de leur succès, ces deux outcasts ont su garder intact leur amour initial pour le blues qui les a touchés tout mômes, celui du Hill Country Mississippi, des RL Burnside, Junior Kimbrough et autres T-Model Ford. Désormais patron de Easy Eye Sound (et par ailleurs déjà auteur de deux albums solo, ainsi que deux autres à la tête du groupe The Arcs), Auerbach se pique à présent de raviver la tradition du blues sampler album. Souvenez vous donc: voici un demi-siècle et quelque, des labels tels que Liberty, Immediate ou Blue Horizon publiaient ainsi des compilations de leur propre catalogue, favorisant ainsi à bon compte la promotion de leurs artistes. Parmi les plus mémorables, citons “Gutbucket” (et son follow-up “Son Of Gutbucket“), où se côtoyaient allègrement les Groundhogs, Jo Ann Kelly, Papa George Lightfoot, Lightning Hopkins et Alexis Korner, ou encore “Super Duper Blues” (avec Fleetwood Mac, Curtis Jones, Eddie Boyd, Johnny Shines, Champion Jack Dupree, Chicken Shack et Duster Bennett) et “Blues Anytime, Vol. 1, 2 & 3”. Cette collection s’ouvre sur l’emblématique “Coal Black Mattie” (dont RL Burnside fit l’un de ses chevaux de bataille quarante ans durant), dont RL Boyce rend ici une version on ne peut plus RL (pour rurale). Membre originel du Rising Star Fife And Drum Band du vétéran Othar Turner, Boyce est ici accompagné de Kenny Brown et Eric Deaton (tous deux présents sur le récent “Delta Kream” des Black Keys), ainsi que de Auerbach en personne. On retrouve les mêmes protagonistes sur la plage titulaire qu’interprète l’inénarrable Robert Finley (dont le portrait orne le layout de cette rondelle), augmentés du propre fils de Junior Kimbrough, Kinney, aux drums. Dan propose pour sa part son propre “Every Chance I Get (I Want You In The Flesh)”, qu’introduit un drone au synthé préfigurant un boogie  pastichant à la fois le “On The Road Again” de Canned Heat, le “Spirit In The Sky” de Norman Greenbaum et le “Back Where I Started” des ex-Yardbirds de Box Of Frogs. Autre vétéran méconnu, Jimmy “Duck” Holmes reprend quant à lui en mono le fameux “Catfish Blues” de Robert Petway (originellement paru sur son album “Cypress Grove”, nominé en 2019 pour un Grammy Award dans la catégorie “best traditional blues album”), tandis que le regretté Leo “Bud” Welch en fait autant avec le gospel “Don’t Let The Devil Ride”, paru en 2017 sur son propre “The Angels in Heaven Done Signed My Name”. Les guitares croisées de Russ Pahl et Auerbach y assument une forte influence du early-Fleetwood Mac circa Peter Green, tandis que l’orgue churchy de Leon Michels y diffuse l’encens qui convient. Au registre des grands disparus figure encore l’oublié Glenn Schwartz. Pourtant guitariste originel du James Gang (groupe où le remplaça début 68 un certain Joe Walsh, futur Eagles et beau-frère de Ringo Starr), le Glenn en question se joignit ensuite à Pacific Gas & Electric, avant de virer New Born Christian, et de consacrer deux bonnes décennies à proclamer sa foi au sein du dédié All Saved Freak Band. Il s’illustre ici tour à tour en groupe électrifié (avec Joe Walsh) et en solo acoustique. La nouvelle génération du blues est représentée quant à elle par le duo de Detroit, Moonshiners (Libby DeCamp au dobro et Adam Schreiber, drums), le Chicagoan Gabe Carter (dans la veine vernaculaire du Bentonian blues de Skip James) et l’Américano-Coréen Nat Myers (dont le premier album est chroniqué ICI), tandis que les Black Keys en personne se fendent du moelleux inédit  “No Lovin'”, avec ce mélange de vocals éthérés et de slide crade et vicelarde qui établit leur marque. Le genre de galette qui remet les pendules à leur place, comme disait Johnny.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 12th 2023

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