NAT MYERS – Yellow Peril

Easy Eye Sound
Blues
NAT MYERS - Yellow Peril

Attention, OVNI! Depuis John Hammond, Dave Van Ronk et autres Stefan Grossman, on en a vu défiler, des revivalistes de tout poil. Et que je te refais Robert Johnson de ci, et puis Charley Patton ou le Reverend Gary Davis de là, et que je porte même des bretelles et un chapeau sur scène et sur les photos, et bla, et bla, et bla… Ce n’est pas que l’on mette en question la sincérité de ces artistes, et encore moins qu’ils ne méritent ni intérêt ni sympathie, mais quand elle ne fleurait pas le formol ou la naphtaline, leur obsession relevait toujours plus ou moins de l’entomologie (voire de la reconstitution historique, comme dans nos clubs médiévalistes où votre beau-frère revêt sa cotte de maille une fois l’an). Mais en dépit des apparences trompeuses, ce nouveau venu de Nat Myers ne se situe pas exactement dans ce registre. Natif du Kansas mais d’ascendance Coréenne, il a connu tout jeune les traumas de la discrimination la plus crasse, ainsi qu’une vie d’errance qui le ballotta du Kentucky au Tennessee, avant de le transporter sur les trottoirs de New-York, où il fit la manche en gratouillant ses six cordes, comme tant d’autres hobos urbains. À la différence de ses vénérables modèles, Nat n’en bénéficia cependant pas moins d’une technologie inopérante dans les années 30 au siècle dernier, puisque c’est grâce à l’une de ses vidéos auto-publiées que Dan Auerbach (celui qui joue debout chez les Black Keys) le repéra via ces réseaux que l’on prétend sociaux. Si l’on ne dénombre pas l’esquisse d’une cover parmi la dizaine de pépites captées en trois jours au sein du Easy Acres studio de ce dernier, les ombres tutélaires de maints héros de Delta blues originel les surplombent néanmoins en permanence. “75-71” aurait ainsi pu provenir tout autant de Big Bill Broonzy que de Lightnin’ Hopkins ou Mississippi John Hurt, tandis que “Misbehavin’ Mama” sonne comme un inédit de ce dernier ou de Brownie McGhee, que “Trixin'” et “Pray For Rain” auraient pu être écrits par Joe McCoy à destination de ses Harlem Hamfats, que “Ramble No More” et “Roscoe” semblent tatoués “Catfish” et “Diving Duck Blues” par Muddy Waters et Fred McDowell en personne, et que “Duck n’ Dodge” et la plage titulaire relèvent carrément de Son House et Big Joe Williams. Pourtant, l’engagement et la sincérité confondants de garçon le préservent tout procès abusif en pastiche: Nat Myers semble définitivement une vieille âme dans le corps d’un jeune homme. Rien entendu en tout cas d’aussi authentiquement envoûtant depuis Cedric Burnside: ce n’est pas si vieux, mais bon Dieu, ce que ça revient de loin!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 4th 2023

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