Blues, Soul

Née au Vietnam en 1975 (alors que la guerre avec les États-Unis y touchait à son terme), et abandonnée à la naissance, Lara Price “bénéficia” alors du programme Operation Baby, par lequel les autorités américaines, rapatrièrent avec elles, dans leur débâcle, un contingent d’enfants autochtones orphelins. Neuf dixièmes de ces petits expatriés n’y survécurent pas, mais la jeune Lara en hérita un tempérament de résilience. Elle emménagea à San Francisco dès son 22ème anniversaire, avec la ferme intention d’y trouver un groupe au sein duquel se produire. Avec sept CDs à son actif (dont deux live), pour la plupart autoproduits (parmi lesquels “I Mean Business”, fut tout de même publié en 2017 chez Vizztone), elle nous revient cette année sur le tout nouveau label de Mike Zito (voir chronique ICI). Avant de commenter cette dernière livraison, il nous paraît opportun de mentionner cet excellent album de 2005, où Miss Price avait pour partner in crime l’immense guitariste Laura Chavez (alors également membre émérite du Candye Kane Band, avant de convoler ensuite auprès de Nikki et Matt Hill, ainsi dernièrement que de Chickenbone Slim). Cette dernière en co-signait les deux tiers des titres, et l’on y discerne déjà le registre d’une chanteuse dont le frais minois rappelait alors celui de Norah Jones. La plage titulaire témoigne en effet du tempérament impavide d’une vocaliste ayant manifestement fait ses classes sur les planches entre soul et rockin’ blues, tandis que l’orgue Hammond d’Alex Specht et les six cordes brûlantes de Chavez s’y taillent le reste de la part du lion. Quant au bouleversant slow “Crazy”, c’est un sommet qui demeure de nos jours encore l’un des clous de ses performances scéniques (imaginez Stevie Ray Vaughan avec Angela Strehli). L’interplay entre les cordes vocales de Lara et celles de l’instrument de Chavez y porte l’émotion à son comble, et cet enregistrement traverse les ans sans perdre une once d’intensité. La marque de SRV perdure aussi au fil de Texas R&B numbers incendiaires tels que “Game Of Love”, “Same Old Song” et “It’s Alright” tandis que Laura y fait l’offrande son propre manifeste, l’enlevé “Movin’ On”. Il faut également signaler une version époustouflante du “A Song For You” de Leon Russell (que Lara interprète accompagnée du seul piano de Brian Yoshida), ainsi que celle du “Little Wing” de Hendrix, où Chavez s’ébroue avec l’inspiration qu’on lui connaît. Si d’aventure Lara et Laura devaient à nouveau se produire ensemble un jour ou l’autre, c’est assurément un tandem à ne manquer sous aucun prétexte. En attendant, voici un album à (re)découvrir d’urgence, avant qu’il ne devienne introuvable.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, July 7th 2024

Follow PARIS-MOVE on X

::::::::::::::::::::::::::