MIKE ZITO – Blues For The Southside

Gulf Coast Records
Blues-Rock
MIKE ZITO - Blues For The Southside

Des décennies durant, le double live représenta le mètre-étalon du blues-rock au sens large. De Ten Years After à Lynyrd Skynyrd, en passant bien sûr par l’Allman Brothers Band, Derek & The Dominos, Thin Lizzy, Hot Tuna et le J. Geils Band, l’exercice était la figure obligée à l’aune de laquelle l’aficionado de base séparait les vrais hommes des petits garçons (songez que même ces iconoclastes de Ramones y sacrifièrent en leur temps). Tombé en désuétude avec les avènements concomitants du CD, du hardcore et autres aberrations du même ordre, le genre a certes périclité, mais quelques nostalgiques persistent néanmoins à y satisfaire contre vents et marées. Ainsi de Mike Zito, guitar slinger de Saint Louis dont l’attitude débonnaire masque le caractère conquérant. Si le “Mississippi Nights” d’ouverture trahit l’empreinte de Creedence Clearwater Revival (auquel Mike rendit hommage lors d’un autre live, “Bootleg” en 2015), la slide fumante en bandoulière, son “First Class Blues” de 2018 prend ici des accents sudistes bienvenus, tandis que les claviers de Lewis Stephens y assurent la même fonction que ceux du regretté Billy Powell chez Skynyrd. L’instrumental titulaire précède une version dantesque du “Texas Flood” dont Stevie Ray Vaughan érigea l’hymne que l’on sait: plus guitar-hero, tu meurs (mince, ce fut effectivement le cas…). Tant qu’on y est, le Texas shuffle endorse ensuite un “Hell On Me” trop heureux de servir de rampe de lancement à la Telecaster à tête chercheuse du patron (ainsi qu’au solo d’orgue ébouriffant de Stephens). Ne manquant jamais d’invoquer Freddie King pour modèle, Mike en épouse le boogaloo sur un “Back Problems” que n’aurait pas renié l’auteur de “Boogie Bump”. Le manifeste “Make Blues Not War” que Mike co-signa avec Tom Hambridge pour l’album éponyme (Ruf, 2016) déploie, comme son titre l’indique, le plus deep Chicago feel, dans la veine de “Hoochie Coochie Man” et consorts. Le second CD entame les mondanités, puisqu’y apparaissent deux des collègues de label de Mike (les guitaristes Tony Campanella et Dave Kalz), ainsi que l’ami axe killer Eric Gales, passé en voisin donner la réplique impromptue à un Zito éperdu, au fil d’un “Voodoo Chile” d’anthologie. Si la camaraderie y demeure de rigueur, “Highway Mama” et “The Road Never Ends” n’en font pas pour autant l’économie de viriles empoignades de manches, dans l’esprit des premiers Allmans (quand Duane et Dickey s’y tiraient la bourre). Seul aux commandes, Mike n’en lâche pas moins la bride sur un “Love Her With A Feeling” à embraser les pendrillons (avec son break à l’allégorie quasi-porno), et l’orgue de Stephens reprend ses droits sur les southern shuffles “Wasting Time” et “Dying Day”, où les six cordes du patron escaladent les dorures jusqu’aux balcons. Le festin s’achève naturellement sur “Johnny B. Goode”, conformément au “Tribute To Chuck Berry” dont Mike gratifia il y a trois ans son compatriote de Saint Louis. Capté live à la Old Rock House de ce même bled du Missouri le 26 novembre dernier, ce double CD est garanti sans retouches ni lipo-succion, “as live as it gets, the mean old school way”. Si d’aventure vous désiriez vous caler un album de Mike Zito au pinacle de son art, c’est assurément celui-ci qu’il vous faut…

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, February 9th 2022