THE HUNGRY WILLIAMS – Let’s Go!

Rochelle Records
Louisisana R&B
THE HUNGRY WILLIAMS - Let's Go!

À la fois batteur et band-leader de Milwaukee, John Carr accuse ses trois bonnes décennies et demi d’activité au cœur de la scène musicale du Wisconsin. Et en dépit de son pédigrée des plus éclectiques, ce brave John tomba à genoux quand il découvrit l’indescriptible foisonnement rythmique du patrimoine musical néo-orléanais. Tandis que des générations de drummers se focalisent encore (à juste titre) sur le jeu du légendaire Earl Palmer (contributeur à de multiples enregistrements de Professor Longhair et Fats Domino, en passant par Earl King, Dave Bartholomew et Allen Toussaint), John découvrit avec le même ébahissement un stalwart moins connu du Nola drumming: Charles “Hungry” Willams. Ayant débuté dans l’orchestre du pianiste Paul Gayten, ce gaucher autodidacte témoignait en effet d’une infernale indépendance, lui permettant d’aborder sans difficulté les nombreuses audaces que requéraient les rythmes caraïbéens caractérisant la plupart des musiques de la Crescent City. C’est son beat puissant et inventif que l’on peut encore goûter de nos jours, à l’écoute des hits “Rocking Pneumonia & The Boogie-Woogie Flu” et “Don’t You Just Know It” que commirent en leur temps Huey ‘Piano’ Smith & The Clowns (respectivement repris ensuite par les Flamin’ Groovies et Doctor Feelgood), et s’il faut effectivement rendre un jour à César ce qui lui appartient, des témoins historiques tels que le théoricien du funk Jim Payne et Clayton Fillyau (l’un des batteurs émérites de James Brown) considèrent Charles Williams comme l’un des précurseurs légitimes du funky drummer. En définitive, sa fixette sur Williams l’Affamé ne laissant pas de l’obséder, John Carr finit par se résoudre à fonder son propre combo de rhythm n’ blues louisianais at home, en dépit des quelques 1049 miles le séparant de la Mecque du genre. Se répartissant à équivalence entre originaux et covers bien envoyées, ce second album de la formation (le premier date de 2019, suivi d’un Christmas E.P. l’année d’après) s’appuie sur une paire de saxophones velus et de rigueur, augmentée d’un trompettiste sur le festif “Mardi Gras Day” introductif. Il suffit d’ajouter au line-up une sassy female singer (Kelli Gonzalez) issue des Subconventionals (tout comme Carr et le bassiste Mike Sieger), un guitariste tout autant vétéran de la scène locale (Joe Vent) et un clavier à peine moins affranchi (Jack Stewart), pour que le gumbo prenne la saveur relevée de circonstance. Le “You’d Better Find Yourself Another Fool” popularisé en son temps par Lavern Baker (et pas qu’un peu démarqué du “I Need Your Loving Everyday” de Gardner, Lewis, McDougal et Robinson) et “Gee Baby” offrent aux Hungries l’occasion de s’adonner à de délectables chœurs proto-doo-wop, tout en autorisant quelques saillies aux cordes concises de Joe Vent, préfigurant celles des saxes juteux de Casimir Riley et Jason Goldsmith, tandis que Miss Gonzalez tient la dragée haute à la pourtant dessalée Big Maybelle sur son propre “One Monkey Don’t Stop No Show”. On frise (!) le rockin’ rhythm n’ blues noir de Hank Ballard sur l’original “Boss Man”, tandis que le malicieux “Big Mouth Betty” de Gonzalez emprunte le pattern du fameux “Hallelujah I Love Her So” de Ray Charles (prétexte aux cuivres pour reprendre de plus belle leur pompe et leur envol). Écrit par Roy Montrell (alors guitariste attitré de Fats Domino), “Oooh-Wow” est chanté par un Joe Vent en verve, avant que le gospel “Then I’ll Believe” ne se défroque sur les trottoirs de Storyville, et que le sagace “669 (Across The Street From The Beast)” ne conclue sur une parabole digne du “Angel Heart” d’Alan Parker. À la fois good time record et labour of love, voici donc une chouette galette, à classer entre l’unique LP des Bataves Pee Wee & The Specials, le “Live Broadcasts 1985-1986” de John Fogerty (hautement recommandé et à écouter ICI) et le plus récent “Let’s Get Happy Together” de Maria Muldaur avec Tuba Skinny (chroniqué ICI). Do you know what it means, to miss New-Orleans?

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 6th 2022

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