Blues-Rock |
On pourra penser ce que l’on veut des rodomontades passées d’un Ritchie Blackmore, mais quand en 1973, lassés du cirque Purple, Roger Glover et Ian Gillan lui rendirent leurs tabliers, l’intronisation de Glenn Hugues et David Coverdale pour les remplacer causa un dommage collatéral majeur, en provoquant la dissolution de Trapeze. Cet autre trio issu des West Midlands, dans la région de Birmingham, semblait en effet promis à un brillant avenir, et Hugues en était alors le pivot. Fan éperdu de ce dernier (et lui aussi bassiste et chanteur au timbre soul), Owen Davidson n’a jamais oublié avoir ouvert jadis pour Trapeze avec son propre combo local, et outre ses propres engagements subséquents (que ce soit auprès d’Uli Jon Roth ou Rumour), il mena ensuite Black Country Community, un tribute band to Glenn Hugues où se distinguait également le guitariste Ben Bicknell. Ces deux comparses ont recruté en 2022 le jeune batteur Ellis Brown pour ressusciter la formule reine des mid-seventies hard, le power trio. En ces temps reculés (et sur les travées de Cream, Taste, Blue Cheer et Jimi Hendrix Experience), on dénombrait ainsi BBA, ELP, West, Bruce & Laing, Motörhead et ZZ Top (seuls survivants encore en lice), et si la formule s’est ensuite diluée (de Stray Cats en Police puis Nirvana), nos trois Brummies (surnom donné aux habitants de leur terroir) entendent bien en restaurer l’esprit originel. Dès le “Medusa Touch” d’ouverture (allusion au titre du second LP de Trapeze, paru en 1970), on en retrouve le concept intact: un riff abrasif gorgé de sustain ânonne un boogie-shuffle que n’aurait pas renié Thin Lizzy, tandis qu’entre deux couplets brâmés d’une voix de gorge par Owen, le guitar killer Ben Bicknell assène les décharges électriques destinées à réactiver le rythme cardiaque de la bête. Car s’il s’agit d’un son monstrueux, ses racines blues-rock affleurent bel et bien, ainsi qu’en atteste “The Deep” (où l’on jurerait entendre Savoy Brown muer en Foghat, tant les licks de Bicknell en semblent manifestement empreints). La plage titulaire s’avère un mid-tempo funk blues lascif comme Jeff Beck savait en trousser au temps de ses “Truth” et “Beck-Ola”, et si le timbre soulful de Davidson s’en trouve un brin sous-mixé à notre goût, les cordes entrelacées de Bicknell y restaurent le plaisir que procurait en son temps le gang du regretté Phil Lynott. Bon sang, un guitar-hero à l’ancienne en 2025? On nous l’a décongelé du permafrost ou quoi? C’est carrément du côté du “Blue Jean Blues” du Top et du “The Jack” de la bande à Angus que nos amis sont allés piocher l’ADN de leur “Hold On”, dont Ben débite le riff à la hache avant d’y prendre un chorus saturé à souhait. La rythmique y déroule un irrépressible rouleau compresseur, tandis que le chant d’Owen escalade les tours dans les aigus, et “Bad Moon” n’aurait quant à lui pas déparé les premiers efforts de Bad Company. Ne manquait plus qu’un slow-blues façon Gary Moore pour corser l’expresso, et c’est “Blue River” qui s’y colle (grosse performance vocale de Davidson, tandis que Bicknell y confirme qu’il a aussi potassé ses Kim Simmonds, Stan Webb et Freddie King). Le tranchant “The Cure” a autant à voir avec Robert Smith que ma belle-mère avec Björn Borg, mais traduit par-contre une filiation patente avec Whitesnake période Moody et Marsden. Davidson y confirme l’étendue de ses talents instrumentaux (basse constrictor) et vocaux (Glenn et David, sortez donc de ce corps!). Nos amis concluent sur une adaptation toute personnelle du “Catfish Blues” qu’ils attribuent à Muddy Waters (alors que les pinailleurs savent que Robert Petway l’enregistra le premier dès 1941, et que Skip James et Tommy McClennan l’interprétaient déjà de longue date avant lui), où chaque protagoniste donne la mesure de ses talents (ce pont funky où le jeune Ellis donne quelque fil à retordre à ses nouveaux patrons), avant de lâcher la purée en version lance-flammes en se ruant vers la sortie. Comment parvient-on à garder pareille souplesse quand on fait si peu dans la dentelle? C’est le secret philosophal de ces nouveaux alchimistes, ranimant un genre que l’on eut le tort d’enterrer trop vite… Ils sont donc de retour, et ça risque de barder sévère!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, May 20th 2025
Follow PARIS-MOVE on X
::::::::::::::::::::::::::
THE DAVIDSON TRIO Facebook page
May 30th: Live at The Station, Stafford road, CANNOCK, WS11 1WS