TEIS SEMEY – En Masse!

Loumi Records
Jazz
TEIS SEMEY

Le nouveau phénomène du jazz scandinave a commencé par contaminer les Pays-Bas (où il réside à présent) puis la Belgique. Revendiquant les influences mêlées d’artistes aussi divers que Ravel, Stravinsky, Wayne Shorter, John Coltrane, Audioslave, Arctic Monkeys et Nirvana, le guitariste danois Teis Semey (né en 1993, et ayant grandi en Suède) fait en effet feu de tout bois. Avec quatre albums à son actif en tant que leader (sans compter ses projets parallèles au sein de Raw Fish et Midnight Mess), c’est à la tête de son propre quintette qu’il sévit à nouveau, pour un album dont le titre en français présage déjà quelques dégâts collatéraux. De fait, le “Atlanta Airport Medium Rawdog” d’ouverture n’est guère éloigné des métriques absconses de formations post-punk actuelles telles que Mush, Tramhaus ou Ulrika Spacek (ces deux derniers chroniqués ICI), tandis que les saxos croisés de José Soares et Jesse Schilderink s’y aventurent pour leur part entre Eric Dophy et Pharoah Sanders, et que la valse “The Gun-Wielding Power Queen Of Rotterdam” oscille entre le Coltrane de “A Love Supreme” et Fred Frith. Avec sa flûte et ses percussions, “A Melody To Help Me Through Winter” emprunte au folkore asiatique, et Teis jalonne cet album de ce qu’il désigne par des “Field Recordings”. Le premier, intitulé “Cologne”, annonce ce que l’on ne pourrait mieux définir que par le terme baroque de grunge-jazz. “Hippity Hoppity Abolish Private Property” s’agrège en effet autour d’un riff de guitare abrasif et d’une batterie ouvertement rock, par-dessus lesquels les deux saxes dessinent des arabesques qui ne vont pas sans évoquer Soft Machine et Henry Cow. Le second “Field Recording” (intitulé “Slovenia”) procède quant à lui sur le mode brutiste d’un John Cage, tout en revisitant ces crescendos en colimaçon dont la bande à Wyatt et Ratledge se régalait jadis du côté de Canterbury. Comme son titre l’indique, “Common Teis” est une sorte de showcase pour le guitariste, qui y exprime toute sa virtuose originalité. “Sushi” propose en guest le trompettiste Alistair Payne, et l’apparente cacophonie de “Please Welcome The Giant of Rotterdam” rappelle la frénésie ordonnée en sous-main du Mike Westbrook Brass Band ainsi que les débuts de Van Der Graaf Generator (dont le saxophoniste David Jackson actionnait deux instruments à la fois). La furie n’en côtoie pas moins de splendides moments d’accalmie (“Too Scared To Say It Like It Is”, “You, Me, A Million Trees” ou encore le conclusif ‘Song For My Siblings”, où le leader s’efface au profit de ses solistes cuivrés). Entre avant-garde et radicalité, une musique qui fait écho à la confusion de nos temps troublés, sans s’interdire pour autant de purs moments de grâce collective. Nostalgiques de Zappa, Beefheart et du Soft, ne surtout pas s’abstenir…

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, November 20th 2024

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