Blues

Un pari complètement fou que cet album “Memory Ghost” qui se présente sous la forme d’un coffret 3CD (sans aucun plastique, ce qui est très bien!). En effet, il y a trois CD, qui durent respectivement 79,24 minutes pour le premier, 78,47 pour le deuxième et 78,58 pour le troisième, soit au total pas moins de 4 heures de musique! Trois CD remplis à ras bord de titres mêlant traditionnels et compositions, avec des titres rendant hommage à de grandes figures du blues aujourd’hui disparues et regrettées, comme John Lee Hooker, Willie Dixon, Blind Willie Johnson…

L’illustration de la couverture de ce coffret attire immédiatement l’attention. Une superbe illustration, “Dancing with Death/ Danse avec la mort”, une linogravure et encre de couleur sur papier Canson éditée par Frédéric Voisin avec un dessin de couverture de Marie Gastaut. Une illustration qui montre ce qu’est un fantôme de la mémoire: “Un fantôme de mémoire est un souvenir si fort qu’il a laissé une marque invisible pour ne jamais être oublié. Certains fantômes de mémoire sont si forts qu’ils provoquent une éruption d’émotions “. Et oui, avec ces trois CD, vous avez droit à une éruption, voire un tsunami, d’émotions.

C’est après avoir assisté à un concert de Louis Armstrong et Trini Lopez au Capitol Theater de Perth en 1963, alors que Steve était déjà musicien, qu’il a compris qu’il serait un conteur et un auteur-compositeur. Pour célébrer ses 62 ans de carrière, celui que l’on surnomme “le griot australien”, a voulu offrir un beau, très beau cadeau à ses fans et à tous ceux qui le découvriront à travers ce coffret de 3CD et 66 titres, tous enregistrés en une seule prise.

Le premier CD (intitulé ‘DUO with Gary Ridge’) comprend 25 titres interprétés par Steve Tallis accompagné du batteur percussionniste brésilien Gary Ridge dont le toucher apporte un joli et vif souffle carioca à plusieurs morceaux. Steve y joue de la guitare acoustique à 6 et 12 cordes, de la guitare électrique et de la guitare basse.

Le deuxième CD (intitulé ‘Snakes of Desire’) comporte 18 morceaux qui nous permettent d’apprécier l’incroyable talent du trio qui accompagne Steve Tallis à la guitare et au chant: Hans-Aage Deberitz à la guitare basse, Yugon “Chobby” Chobanoff à la batterie et Phil Bradley aux guitares.

Le troisième CD, simplement intitulé ‘SOLO’, permet d’apprécier l’immense talent de ce chanteur griot australien accompagné uniquement à la guitare (6 et 12 cordes).

Le griot Steve Tallis procure d’incroyables frissons tant sa voix porte, s’élève, avec des intonations qui feraient parfois passer Bob Dylan pour un frère jumeau. Un jumeau qui aurait perdu cette rage intérieure qui anime l’immense flamme qui brûle en Steve Tallis. Une flamme qui n’a cessé de brûler en lui depuis son plus jeune âge.

Autant marqué par ses racines culturelles macédoniennes que par les musiques du bassin méditerranéen oriental et par des artistes comme Dylan, Hendrix et les Stones, dont il s’est imprégné à travers les radios australiennes, Steve Tallis part très tôt à la recherche des racines du blues, en développant à sa manière ses aspects les plus tribaux.
A la fois brillant songwriter et grand voyageur, le chanteur-guitariste a vécu et joué sur tous les continents, accompagné Clapton, B.B. King et Van Morrison tout en conservant sa personnalité et son indépendance, gardant toujours en lui cette incroyable passion pour les bluesmen tels que Leadbelly et John Lee Hooker. Fou et fan de Tom Waits comme d’Ali Farka Touré, partagé entre folk, blues et gospel, Steve Tallis est allé jouer en Inde, en France (écoutez le premier titre du premier CD, ‘le chant des cigales à Montpellier’), au Pakistan puis en Afrique, croisant la route du blues avec celle d’autres musiques tout aussi passionnantes.

Sur deux des volets de ce coffret, une liste de noms de musiciens disparus auxquels Steve Tallis reste lié, en pensée mais aussi sous forme de chansons, comme ce sixième titre du premier CD, simplement intitulé ‘Charlie Watts’, et empreint d’une forte émotion. Ce jeu entre l’obscurité et la lumière, le désespoir et l’espoir, est un thème récurrent tant dans les compositions que dans l’atmosphère générale de l’album. Un tel album fait beaucoup de bien. Il nous sort de nos habitudes d’écoute car il nous offre un moment de réflexion et de remise en question.

Plusieurs chansons traditionnelles sont arrangées dans le style du griot australien et de son ami percussionniste Gary Ridge, comme ‘My God is a Rock’, ‘This May Be The Last Time’ ou encore ‘You Gotta Move’. Certaines compositions comme ‘Skeletons In My Closet’ et ‘She Makes Me Shiver’ sont dignes de figurer dans le Top 10 des meilleures chansons de l’année. Les compositions de Steve sont des pièces parfaitement construites, donnant toujours l’impression d’une spontanéité sans limite et d’une facilité insolente, des histoires miniatures à part entière, finement élaborées.

Cet album est d’une qualité irréprochable, avec ses petites imperfections, bien sûr, puisqu’il est enregistré en une seule prise, mais cela confère à cet opus de 3CD une singularité exceptionnelle. Un must, sans aucun doute!

Steve Tallis nous plonge dans un blues qui va des racines les plus profondes à une modernité fracassante, sans ce superflu qui encombre de plus en plus d’albums; car le blues est un genre qui demande de la sensibilité, et il peut offrir des albums sublimes comme des albums à oublier bien vite. Avec “Memory Ghost” nous avons ici un album vraiment savoureux, qui revitalise le style blues en lui insufflant une profondeur culturelle.
“Memory Ghost” capture la profondeur émotionnelle de la perte, du chagrin et des souvenirs renouvelés. C’est plus qu’un simple album, c’est un hommage poignant à ceux que nous perdons au cours de notre vie. C’est un album d’une extrême qualité, qui s’adresse à tous les amateurs de bonne musique, qui vient du cœur et des tripes, au-delà du genre musical lui-même. C’est sans aucun doute l’une des créations les plus puissantes que j’ai eu le privilège d’entendre ces dernières années. Un album indispensable, le genre d’œuvre qui rappelle à ceux d’entre nous qui se contentent de mettre des mots sur l’art sa véritable signification et sa nécessité.

Frankie Pfeiffer
Editor in chief – PARIS-MOVE

PARIS-MOVE, April 2nd 2025

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Une édition limitée à 1.000 exemplaires, en mono, coproduite par Rob Grant, de renommée internationale, au Poons Head Studio – Fremantle.