| Blues, Chanson française |
Entre Rod Barthet et moi, c’est une longue histoire d’amitié et d’affection, qui remonte il y a belle lurette aux premiers riffs énervés de Rod and the Shotgun Blues, un gang décomplexé à mi-chemin entre blues et rock and roll, dans la lignée de la musique qui inondait le Texas et tout le Golfe du Mexique, allant de Stevie Ray Vaughan à Johnny Winter, en passant par les Fabulous Thunderbirds de Kim Wilson. Bien entendu, cette époque électrique qui nous électrisait est bel et bien révolue, mais cependant, Rod Barthet n’a rien perdu de sa fougue, de sa passion et de son énergie, malgré une carrière solo et des albums plus intimistes, entre chansons françaises de qualité, mais avec toujours le blues en ligne de mire et le spectre de John Lee Hooker jamais très loin de l’artiste de Pontarlier. Après son remarquable album Ascendant Johnny Cash sorti en 2019, opus chroniqué ICI sur Paris-Move par votre serviteur, Rod récidive avec A L’Ombre Des Sycomores, un album tout aussi magnifique, avec toujours la précieuse complicité de l’incontournable Boris Bergman (parolier de Bashung, sporadiquement Eddy Mitchell, et bien d’autres…), mais cette fois avec également la complicité de Joseph D’Anvers, auteur-compositeur-interprète de renom et ex complice du regretté Dick Rivers, un chat sauvage souvent brocardé mais jamais égalé. Comme à l’accoutumée, avec ces deux collaborations, Rod soigne les textes, teintés de liberté, de grands espaces poussiéreux et d’une élégance raffinée rare. Rod Barthet possède un univers musical bien trempé et un vécu d’authentique bluesman que n’auraient pas renié un lonesome cowboy, un Johnny Cash ou un John Lee Hooker, que Rod rencontra à San Francisco, une rencontre dont il ne sortira pas indemne, comme marqué au fer rouge par l’interprète de “Boom Boom”. Quant à ses indéniables talents de guitariste, Rod peut faire le grand écart, faire pleurer son instrument par des mélodies mélancoliques ou distiller des riffs rageurs à faire swinguer un caddy de supermarché. Rod s’avère être un orfèvre en la matière, un docteur ès guitares-blues. Lui qui croisa la route de musiciens comme Joe Louis Walker, Bo Diddley, Wilson Picket, Patrick Verbeke, John Lee Hooker et tant d’autres, Rod Barthet s’affirme, au fil du temps, comme un artiste incontournable de la chanson française de qualité, teintée de blues, ou un musicien de blues, teinté de chanson française de qualité, c’est selon son propre ressenti et sa propre culture musicale. Vocalement, il se situe parmi les chanteurs avec une certaine fragilité dans la voix, à la manière d’un Jean-Jacques Goldman, ou d’un Cabrel mais sans accent gascon. Cette relative fragilité vocale n’est en rien un handicap, bien au contraire, mais donne à son œuvre une couleur originale et une empreinte personnelle facilement reconnaissable. Mais encore une fois, cette légère fragilité vocale aux intonations à la J.J. Goldman, donne aux chansons de Rod une parure indescriptible et une harmonie de bon aloi. On est aux antipodes d’un soporifique et ennuyeux Jean-Louis Murat, ou d’une inaudible diva turinoise aux pommettes saillantes prénommée Carla. Avec A L’Ombre Des Sycomores, Rod nous propose un nouvel album de très haute lignée, entre Bashung et Christophe (Bevilacqua), et un blues plus authentique et académique. Mais attention les amis, bien qu’inspiré par ses illustres aînés, Rod n’en demeure pas moins un artiste singulier, qui fait du Rod Barthet. Point barre! Personnellement, comme influence dominante et comme point écliptique qui se lève à l’horizon, je suis sans conteste ascendant Rod Barthet! Alors installez-vous confortablement à l’ombre d’un sycomore et consommez sans modération le nouvel album de cet artiste précieux qui se démarque de la scène blues française. Pour ma part, suite à la première chronique de mon collègue Dominique Boulay, je conclurais mon papier par un Great/ et un énorme Coup de Cœur!
Serge SCIBOZ
Paris-Move
PARIS-MOVE, March 6th 2023
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