Psych-Folk |
S’il était possible de concevoir une synthèse entre Nick Drake, Richard Thompson, Robert Wyatt et Ray Davies, celle-ci se nommerait sans doute Richard Dawson. Combinant la maîtrise instrumentale et patrimoniale du folk anglais des deux premiers avec la verve expérimentale du troisième et le sens aigu du commentaire social de ce dernier, le barde de Newcastle signe en effet, avec son huitième album à ce jour, une nouvelle œuvre ambitieuse, au fil de laquelle il observe les humbles destins quotidiens de divers membres d’une même famille. Les parents Holly et Phil ainsi que leur fille Jen y côtoient donc la grand-mère (déclinant sur “Gondola” ses regrets enfouis sous une sévère couche de résignation forcée), tandis que l’écolier martyrisé de “Bullies” réalise, devenu adulte, qu’il a lui-même engendré un harceleur scolaire. Comme son titre l’indique, “Boxing Day Sales” raille le consumérisme qui atteint son acmé à l’approche des fêtes de fin d’année, tandis que le tourmenté “Knot” dépeint le mal-être d’un narrateur entraîné à son corps défendant dans un repas de mariage dont il détaille avec dégoût les faux-semblants, tandis que Faye MacCalman y déverse un torrent de clarinette saturée sur la coda. Comme chez les Kinks de “Village Green”, le répit réside parfois dans le jardinage, ainsi du bucolique “Polytunnel” (quand bien même on y décèle aussi les miasmes du “Vegetable Man” de Syd Barrett), et la dissection endémique de leur sociologue en chef s’exprime à son summum au fil de “Removals Van” (camion de déménagement prétexte à un inventaire à la Georges Perec). La plupart du temps seul à la guitare (avec pour principal soutien la batterie subtile et minimale d’Andrew Cheetham), Dawson recourt régulièrement aux interventions inopinées de la clarinettiste pour ponctuer ses vignettes de saisissants effets de surprise. On peut mesurer sa dextérité à lui sur l’intro de “The Question” (avec ses digressions dignes d’un Davey Graham ou d’un John Renbourn), avant que cette pièce ne vire à la marche militaire façon “Tin Soldier Man” pour narrer quelque apparition spectrale. Ce disque se clôt sur “More Than Real”, majestueuse élégie rehaussée des synthés (et de la voix) de Sally Pilkington, tandis que les anches de MacCalman y prennent les accents furieux de celles d’un David Jackson chez Van Der Graaf. Bon Dieu, cette époque mérite-t-elle encore vraiment la grâce torturée d’artistes aussi inspirés que Richard Dawson? On espère que oui, car elle en a cruellement besoin…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, April 24th 2025
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(Spined wallet CD with 16-page lyric booklet / Black vinyl LP with 12-page lyric booklet)