Renaud Garcia-Fons – Cinematic Double Bass – Music For Imaginary Films

Cezame Music Agency / l'Autre Distribution
Musique de film, World Jazz
RENAUD GARCIA-FONS - Cinematic Double Bass - Music For Imaginary Films

Nous vous avions parlé de son récent (et épatant) “Souffle Des Cordes” (chroniqué  ICI), et revoici donc le contrebassiste Renaud Garcia-Fons dans l’un de ces exercices improbables dont il a le secret. Conçus et enregistrés durant les premiers mois du confinement, les 44 titres de ce double CD s’envisagent comme de courtes B.O. de films imaginaires. Le premier CD (intitulé “In A Jazzy Mood”) nous place d’emblée dans le registre des films noirs français des années 50 et 60, entre “À Bout De Souffle” et Eddie Constantine, avec ce “Breakneck Speed” joué à l’archet, et soutenu par le drumming et le vibraphone alertes de Stephan Caracci. C’est le même tandem qui nous entraîne ensuite en une valse endiablée “Across The Golden Gate”, et l’on y songe alors autant à Lalo Schifrin qu’à Quincy Jones (de même que sur les bien nommés “Motor Town Groove” et “Like A Déjà Vu”). La voix mutine de Solea Garcia-Fons, fille de son père, scatte ensuite l’enjoué “Small Screen Girls”, digne héritier du score de “Dim-Dam-Dom” du regretté Jean-Christophe Averty, avant que le bien intitulé “Jungle Drums Swinging Bass” ne mène la danse entre “Aristochats” et “King Of The Jungle”. Le sifflement de “Whistle By Night” renvoie instantanément aux débuts de Morricone, tandis que “Close Up View” aurait parfaitement serti n’importe quel épisode du “Saint” ou du “Monocle”. Comme leurs titres l’indiquent, “Film noir Blues”, “Running Scared”, “Detective Movie Addiction”, “City Night Stalking” et “Suspense Is Killing” (avec ses female vocals et ses cordes pincées en pizzicati) évoquent autant Alfred Hitchcock que John Le Carré, tandis que “Snap n’ Scat” flirte avec Michel Legrand et Jacques Demy. On pourrait poursuivre ainsi cet inventaire à la Chandler sur l’intégralité du premier CD: impression garantie, entre “Johnny Staccato” et “Touche Pas Au Grisbi”… Le dialogue permanent entre contrebasse à cinq cordes, claviers, vibraphone et percussions suscite des paysages plus variés encore sur le second CD, justement intitulé “In A Spirit Of Travel”, et dont le viatique pourrait se résumer à: toujours plus d’aventure, mais jamais moins de groove. Ainsi du “Travel Wide, Travel Wilde” d’ouverture, débouchant sur ces “Nowruz Celebration”, “Savanna Rainfall” et “Long Distance Run”, qui prolongent de belle manière les explorations moyen-orientales du “Souffle Des Cordes” d’il y a deux ans, dans la ligne de son “Méditerranées” de 2010. De même, “Jewish Tarentella” emprunte autant son rythme au folklore vénitien qu’à la tradition klezmer, et “Global Village Dweller” son universalité au New-Age comme à celles de la musique de chambre et du flamenco, auquel renvoie également “Soledad Del Exilio”. Et où situer les origines possibles de ces “Imaginary Folk Dance” et “Desert Reflection”, entre Sahara et Europe centrale? Peu importe, dès lors que “Djumbo Steps” associe Tito Puente et acid-jazz bien conçu, de même que “The Open Road” en fasse autant avec la fusion et l’électro, “Bossa Nicely” avec Rio et Bali, et “No More Moanin'” avec Lagos et Bamako. L’irrésistible séduction que produit cet exercice de styles croisés doit sans doute autant à l’imprégnation spectaculairement maîtrisée des genres abordés qu’à la complicité entre musiciens et auditeurs, dont les clins d’œil réciproques arracheraient un sourire au plus impassible des horse-guards. Un tour de force roboratif de musiques à partager, destiné à confectionner ses propres images sur son écran intérieur… Vous n’aviez peut-être jamais imaginé qu’une contrebasse puisse sonner ainsi!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 14th 2023

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