Americana |

Désormais titulaire d’un catalogue de 17 albums (en trente ans de carrière), le guitariste, pianiste, bassiste et singer-songwriter Rees Shad peut se targuer d’avoir écrit plus de 500 chansons à ce jour. Et puisque nous ne nous trouvons pas en présence d’un perdreau de l’année, précisons qu’il exerce également son Haut Potentiel Intellectuel dans des domaines aussi variés que l’enseignement, la conception de logiciels, la lutherie et la gestion de son propre studio d’enregistrement… Mettant un point d’honneur à éviter soigneusement de se répéter au fil de son processus de création, il modifie ses méthodes d’écriture à chaque nouvel enregistrement, tout en poursuivant l’analyse ontologique des personnages qu’il dépeint dans ses vignettes (on ne lui trouve pour équivalents littéraires en ce domaine qu’Umberto Ecco et Georges Simenon). Pas moins d’une douzaine de musiciens contribuent ainsi aux douze originaux de cette nouvelle livraison, bien que seuls le bassiste Jeff Link et le batteur Rob “Bobby Kay” Kovacs (membres de l’ensemble The Conversations auquel appartient aussi Shad) figurent sur les trois-quarts d’entre eux, tandis que la plupart des autres instrumentistes n’y effectuent que de ponctuelles apparitions. Les multiples nuances americana de ce disque sont ainsi rehaussées des vocals de Wanda Houston et Kemp Harris (“Ain’t That The Way”, “Great Big World”, “A Man Like Me”), et les lyrics reproduits dans le booklet révèlent un storyteller de premier ordre. Ainsi de ce “Magic Lantern Presentation” dépeignant (avec une acuité poétique digne du “Blood On The Tracks” de Dylan) le désarroi d’humbles métayers face à l’inéluctable marche du progrès, les déportant des terres où ils œuvraient, ou de la simplicité grandiose d'”Isn’t It A Lovely Day” (entre Randy Newman, Jackson Browne et l’Elvis Costello tardif), ou encore de l’exquis (et francophile) “Great Big World” (romance épistolaire avec happy end). On ne se représente qu’un Gene Clark, un Lowell George ou un Steve Earle pour véhiculer la profonde mélancolie de la plage titulaire (empreinte de la culpabilité de n’avoir pu secourir un ami à la dérive), et la signature de Townes Van Zandt pour quoi que ce soit d’aussi sincère et poignant que les auto-dépréciatifs “The Right Thing” et “Your Last Straw” (voire celles de Phil Ochs et Fred Neil pour le dénonciateur “Thumbing The Scales”). Le blues n’est pas en reste, comme en témoigne “Coda Blues” (où s’illustre l’harmonica de RB Stone), et le rhythm n’ blues non plus avec les cuivres de Peter Grimaldi et John Savage sur le funky “A Man Like Me” (citant malicieusement ceux du “Papa’s Got A Brand New Bag” de James Brown, et comportant cette punch line digne de Steely Dan: “The Lord gave me self respect/ Then He took it all back”!), ainsi que “Pistol Whip Hangover”. Quant à la bossa de “Brighter Daze” (contredisant les adeptes du “c’était mieux avant“), elle rappelle autant Joao Gilberto que les Kinks de “Monica”. Chanteur soulful au timbre clair et articulé (et songwriter d’une confondante sagacité), s’il n’est effectivement jamais trop tard pour bien faire, (re)découvrir Rees Shad s’avère d’une urgente nécessité. Ce disque vous fera de l’usage, promis…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, March 12th 2025
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PS: En bonus (uniquement sur CD et digital) figurent deux versions “back porch” (alias acoustic unplugged) de “Coda Blues” et “Brighter Daze”.
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