Folk-Rock

Ah, Jeffrey Lewis! Comment décrire pareil histrion à ceux qui ne le connaîtraient pas encore? Né à New-York le 20 novembre 1975, ce zozo se signala d’abord à nos radars en tant que spécialiste BD (il obtint son diplôme de littérature en soutenant une thêse sur les “Watchmen” d’Alan Moore et Dave Gibbons). Dessinateur talentueux, il survécut un temps à Austin, Texas, où il éditait son propre fanzine autobiographique (illustré par ses soins) tout en se produisant dans les bars, armé d’une simple guitare sèche qui lui valut d’être assimilé au courant anti-folk dès son retour à New-York. Dépenaillé, vêtu de t-shirts dépareillés et de pulls trop grands, il présente souvent ses chansons en égrenant les pages de son propre comic-book. Entre la fausse candeur d’Herman Düne et Jonathan Richman et les stridences atonales de Sonic Youth ou du Velvet Underground, ce grand original n’a pondu que neuf albums en un quart de siècle, et son prédécesseur date déjà de 2019. “The EVEN MORE Freewheelin’ Jeffrey Lewis” a été capté en quatre jours seulement à Nashville par Roger Moutenot (producteur de Yo La Tengo, Lou Reed et du précédent de Jeffrey, “Bad Wiring”). On y retrouve son groupe de tournée, The Voltage: Brent Cole à la batterie, Mem Pahl à la basse et Mallory Feuer au violon et aux claviers. Depuis les Mothers Of Invention parodiant la pochette de “Sgt. Pepper’s” jusqu’aux Red Hot Chilli Peppers en faisant autant avec celle d'”Abbey Road” (sans parler de Clash pastichant celle du premier Presley chez RCA), on est habitués aux transpositions décalées de lay-outs célèbres, et il y a fort à parier que celle-ci fera date (reprenant celle du second LP de Bob Dylan en 1963, ainsi que son titre en surenchère). De folk il semble être effectivement toujours question dès les “Do What Comes Natural” et “Movie Date” d’ouverture, mais sous le picking typique et l’orgue façon Al Kooper à deux doigts qui les sous-tend (sans parler de ce tambourin hiératique et de ces chœurs discrets), on reconnaît le flow inimitable d’un vocaliste au talk-over intarissable (et dont les lyrics n’auraient pas déparé la B.O. des Rutles du regretté Neil Innes). Le violon de Mallory Feuer (dans l’esprit de celui de Scarlet Rivera sur le “Desire” du Zim) s’invite sur l’enlevé “DCB & ARS”, avant que le single “Sometimes Life Hits You” ne fourbisse la meilleure imitation des Modern Lovers originaux (et par conséquent du Lou Reed de “Sweet Jane”), avec son refrain éructant “Aw, Fuck, That Hurt!”. En full-band configuration, c’est assurément l’une des plus séduisantes incursions de notre troubadour en territoire rock. Et quitte à évoquer les miasmes lointains du Velvet, “Tylenol PM” y parvient sans effort, dans sa quête d’un remède radical aux insomnies (avec son tambourin métronomique et sa viole façon John Cale). “Just Fun” est l’une de ces ritournelles bluegrass dont Lewis parsème depuis toujours ses prestations intimes, avant que “Relaxation” n’emprunte la facture de pépites garage telles qu’en livraient il y a soixante ans les Seeds et le 13th Floor Elevator (orgue zinzinant et solo de guitare psychédélique à l’appui). Quant à “Inger”, c’est une de ces dark novel tunes dont Lou Reed s’était fait une spécialité. Relatant la trajectoire d’une fille de bonne famille ayant sombré dans la marginalité après la disparition de son père musicien, c’est tout bonnement l’un des sommets de ce disque. Introduit par des rires et le bruissement d’une house party (et conclu par de maigres applaudissements), “100 Good Things” rappelle les home-recordings de Daniel Johnston (et s’avère la plage la plus lo-fi de l’ensemble), avant que “The Endless Unknown” ne scelle ce recueil sur une nouvelle impersonation du dénommé Lewis Reed (circa “The Blue Mask”). D’une verve inaltérée et d’une inspiration fidèle, un nouvel album de Jeffrey Lewis ne déçoit jamais: c’est à nouveau le cas.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, February 26th 2025

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En concert les 5 et 6 mai 2025 au Supersonic Club de Paris

Jeffrey Lewis UK Dates 2025:
7th May – London, The Dome
8th May – Leicester, The International
9th May – Cambridge, Storey’s Field
10th May – Leeds, Brudenell Social Club
11th May – Glasgow, Room 2
12th May – Newcastle, Gosforth Civic Theatre
13th May – Sheffield, Yellow Arch Studios
14th May – Cardiff, The Gate
15th May – Bristol, Strange Brew
16th May – Margate, Where Else?

Album à commander ICI
(CD et/ou vinyle)