Otis Taylor – Clovis People Vol.3

Telarc / Sacadisc
Blues

En voilà un qui ne passe jamais inaperçu dans les bacs. Car un nouvel opus du bluesman de Boulder, Colorado, se remarque de suite. Et celui-ci a vraiment de quoi interpeller puisque dès le titre de l’ouvrage, ‘Clovis People vol. 3’, on ne manque pas de se poser une multitude de questions, et pressantes: aurions-nous raté quelque chose, laissé passer les deux précédents volumes, sans nous en rendre compte? Nous en étions pourtant restés au ‘Pentatonic Wars and Love Songs’ et il nous semblait bien que rien d’autre n’était sorti.
Après avoir contacté la maison de disques et visionné le site internet du garçon, on sait déjà que nous n’avons rien raté et que ce nouvel album porte bien le chiffre de ‘vol.3’ et que les volumes 1 et 2 n’ont jamais existé. On ne manquera pas, lors de notre prochaine rencontre, de lui demander le pourquoi du choix de ce titre car zapper deux premiers volumes signifie sans doute quelque chose.
Par contre, ce que nous pouvons vous communiquer d’ores et déjà, c’est la précision historique qui explique le titre ‘Clovis People’: en effet, des archéologues ont trouvé dans les environs de Boulder, la ville de Otis Taylor, les traces d’une population vieille de 13.000 ans qui a disparu de la surface de la terre de manière rapide et inexpliquée. Probablement la civilisation nord-américaine la plus ancienne. Les archéologues ne comprennent pas, à ce jour, pourquoi cette population a eu cette fin si brutale, mais toujours est-il qu’ils l’ont baptisée ‘Clovis People’ à cause de la formation unique de leurs outils qui ne serait pas sans rappeler celle des Francs, en Europe.

Parlons musique, maintenant, avec toujours ce même hypnotique blues fascinant. On hésite entre l’appellation de ‘baroque blues’, vu certains instruments utilisés (violoncelle et violon), ou ‘free-blues’, à cause d’autres instruments tels le cornet, par exemple.
Il y a toujours et encore ces rythmes syncopés qui battent la cadence dans vos oreilles et qui font une pression bien amicale sur vos tympans. Cassie, la fille d’Otis, est toujours la bassiste attitrée, tandis qu’Otis lui-même, guitariste-chanteur, joue également du banjo dans deux des compositions de ce nouveau recueil d’historiettes. ‘Recapturing the Banjo’ n’est pas si loin. Et, fait nouveau, vous avez droit sur cet opus à la participation plus copieuse que d’habitude de Gary Moore qui, cette fois-ci, nous offre trois superbes soli. Réellement superbes!

Le livret particulièrement bien fait, qui nous renseigne sur les musiciens et les conditions de l’enregistrement de la galette, nous donne aussi des infos sur les paroles de chacun des morceaux.
Lors de notre dernière ITW, j’avais été surpris par la réponse de Otis lorsqu’à ma question, ‘Où trouves-tu l’inspiration?’, il m’avait répondu ‘Je regarde beaucoup la télévision!’. Hé bien, effectivement, c’est dans la réalité quotidienne de tout un chacun qu’il trouve la matière à ses textes qui sont, très sincèrement, superbes. Le tricheur en amour, l’écolier abattu à l’école, le chien boxer des amis de ses parents, les peines de cœur d’un insomniaque, les derniers instants d’un mourant, les confidences d’un amoureux qui ne veut rester qu’une journée avec sa bien aimée, de quoi étaient peuplés les rêves des esclaves, la femme d’affaires qui ne sait même pas monter à cheval, la mère qui menace le trafiquant de drogues dans la cour de récréation, voilà ce que vous raconte Otis Taylor dans de sublimes petites histoires mises en musique. De ces faits divers quotidiens qui font la vie heureuse ou malheureuse des nations et les colonnes des faits divers des journaux. Et si l’on songe qu’Honoré de Balzac a rédigé 80 volumes de sa Comédie Humaine, voilà qui nous promet encore beaucoup de plaisir avec le Kid de Boulder…!!!
Un disque à l’image de ce qu’écrivait Balzac: indispensable !

Dominique Boulay & Frankie Bluesy Pfeiffer
Paris-Move & Blues Magazine