Nico Wayne Toussaint – Blues entre les dents

Dixiefrog – Harmonia Mundi – 2009
Blues
Personnage atypique, Nico Wayne Toussaint est chez lui en France comme aux States et sa musique est à l’image de sa vie partagée entre la Floride et l’hexagone, douce et tendre d’un côté, explosive de l’autre.
Autant sur scène le chanteur-harmoniciste est une pile électrique poussée à fond, autant sur CD il vous dévoile ses facettes plus intimistes et plus en retenue. Comme autant de petites pièces de céramique que vous accolez les unes aux autres. Dans ce ‘Blues entre les dents’, son premier album en français, Nico Wayne Toussaint se fait délicat, avec des chansons aux paroles finement ciselées, comme dans ‘Le temps passe’, ou ‘Dire non’. Des chansons dont on ne sait plus trop parfois si ce sont les paroles qui sont magnifiées par la musique ou si c’est la musique que les paroles viennent illuminer. Une musique au travers de laquelle Nico fait le lien entre son présent et le passé, celui de son père, passionné de musique Louisianaise, qui se produisait dans les cabarets de Montmartre, au début des années cinquante.
 
Consciemment ou inconsciemment au travers de cet album, et pour la première fois sans doute, Nico Wayne Toussaint atténue son image d’harmoniciste hyperdoué pour celle de chanteur à la sensibilité à fleur de peau. Il suffit pour cela de porter une oreille attentive à ‘Blues entre les dents’ (l’album en entier, tout comme la chanson qui donne son nom à l’opus en question) et au premier titre, ‘Ballade du bois joli’, chanson dans laquelle Nico raconte les malheurs actuels liés à la crise. Et tout cela décrit avec retenue, presque pudeur, comme si certains mots ne pouvaient être employés.
 
Et comme pour mieux prouver que pour lui c’est toujours l’éternel aller-retour entre la Floride et la France, quelques titres en langue anglaise sont glissés entre les chansons écrites dans la langue de Molière, dont une très belle reprise de ‘Nodody’s Fault But Mine’ de Blind Willie Johnson.
 
Côté musiciens, le Nico s’est entouré de grosses pointures, d’artistes dont le jeu convient parfaitement à l’univers musical de l’opus: Michel Foizon et Sam Chang aux guitares, Mikel Azpiroz aux claviers, Antoine Perrut à la basse et Vincent Daune à la batterie.  Et comme pour mieux faire briller l’album, plusieurs invités ont été conviés à l’enregistrement de quelques titres: Mathieu Pesqué à la guitare acoustique, Pierre Hartmann à la batterie et Hughes Catalan à la lap steel.
 
Et lorsque vous saurez que le Nico clôture sa prestation par ‘Mon Dieu’, une chanson de ‘la môme’, Edith Piaf, vous comprendrez que le garçon est décidément bien plus que le talentueux chanteur-harmoniciste que l’on connait: un mec au cœur grand comme ça, et qui vous le fait partager.
 
Frankie Bluesy Pfeiffer
 
PS: Le bonheur de l’écoute fut tel que j’en ai oublié de vous dire que comme sur quasi tous les CD proposés par le label français Dixiefrog, vous avez sur ce CD un bonus vidéo enregistré à Tournon d’Agenais, en 2008.
 
CD disponible sur le site Dixiefrog:
http://www.bluesweb.com

 

Il y a des disques que l’on reçoit et puis que l’on pose sur un meuble en pensant qu’il va falloir qu’on les écoute et que l’on écrive quelque chose dessus parce qu’ils le méritent bien. Et puis, il y en a d’autres qui, à peine reçus, voient le plastique d’emballage voler dans la corbeille et la galette ingurgitée par le seul lecteur encore disponible. Et là, dès les premières notes, on se retrouve les doigts agités par mille et une fourmis, à besogner sur le clavier de l’ordi car la zik est telle qu’elle vous pousse à écrire ce que vous ressentez. Et tandis que l’on développe ses premières impressions, on tend l’oreille et l’on écoute les textes en français chantés sur ces tempos auxquels on associe d’habitude des intonations anglo-saxonnes. Sept des douze morceaux sont écrits et composés par l’artiste, et il y a matière à commentaires sur ces paroles bleu-blanc-rouge. ‘Ballade du bois joli’, ‘Pas dire non’, ‘Le temps passe’, qui nous évoque le magnifique ‘Midnight Cowboy’ de Nilson, en son temps, ‘Blues entre les dents’, ‘Sophie’,…avec aussi le ‘Nobody’s Fault But Mine’ de Blind Willie Johnson, qui est phénoménal tant du point de vue du chanteur que du point de vue des musicos qui l’accompagnent…! Il faut dire que le Nico, en plus d’une voix, c’est une sacrée gueule! Et il est clair qu’il est plus facile de s’identifier à pareil mec plutôt qu’à n’importe quel clampin venu. Car le bougre a une voix et…du souffle!
Les sons de Mr Sam Tchang et de ses acolytes vous transpercent l’âme et vous poignardent la sensibilité. Michel Foizon à la guitare, Mikel Azpiroz à l’orgue Hammond, Antoine Perrut à la basse, Vincent Daune à la batterie, plus quelques camarades, sont réellement au dessus du lot. C’est digne des plus belles artilleries anglo-saxonnes et ça a une patate et une classe formidable, en plus.
Pas macho, je signale aussi que la sacrée ‘Sophie’ hexagonale mérite d’être connue, et entendue sur toutes les radios. Et à peine l’a-t-on quittée que l’on se demande, avec Bobby Charles, ‘Why Do People Act Like That?’. Et puis faut bien reconnaitre, aussi, qu’elles sont plusieurs à qui l’on pourrait balancer ‘You’re Gonna Make Me Cry’.
Mais l’intérêt majeur de ce disque ne réside pas dans les nouvelles versions que Nico Wayne Toussaint a faites de standards amerloques, mais plutôt dans ces paroles françaises qu’il a collées sur de véritables blues, musicalement parlant. Et là, je peux vous garantir que l’on peut panser les écorchures du chanteur qui souffre et dont la sensibilité l’exprime avec pudeur. A noter également, la très belle reprise de ‘Mon Dieu’ (Vaucaire/Dumont), qui fut superbement interprétée par Edith Piaf, notre Janis Joplin nationale.

Un grand moment de blues, et chanté en français. Grand coup de chapeau, et un énorme merci à Nico Wayne Toussaint pour cet opus.

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine
Nico Wayne Toussaint