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Une invitation au monde épicé et sans frontières du jazz de Nadav Remez, Summit est un album qui refuse de se limiter à l’imagination d’un seul univers. C’est à la fois une œuvre complexe et imprévisible, où une base rythmique dense, parfois désorientante, vient souligner les contours ombrageux d’un carnet de voyage musical. Ce sont des notes griffonnées, semble-t-il, aux coins de nombreuses tables de restaurant aux quatre coins du globe.
La musique de Remez vit entre plusieurs mondes: jazz moderne et folk juif, rock alternatif et mysticisme ancien, ampleur cinématographique et urgence de l’improvisation. Summit cristallise ces éléments disparates en un arc narratif profond et continu, façonné par la mémoire, la culture et l’expérience humaine brute. Bien que ces compositions s’étalent sur deux décennies, ce n’est qu’à l’occasion d’un concert il y a trois ans que Remez a compris à quel point elles s’accordaient naturellement. «Elles parlaient le même langage», se souvient-il. «Je savais qu’elles devaient coexister sur le même album.»
C’est là la véritable force de cet album: des morceaux qui ont mûri au fil des années, trouvant leur place exacte dans un ensemble d’arrangements finement ciselés, aussi délicats et précis qu’une dentelle, perceptibles uniquement à une oreille avertie, et profondément satisfaisants pour l’amateur de jazz éclairé. Sur Summit, il n’y a pas de résolution facile: les contraires ne se résolvent pas, ils coexistent. Des grooves terrestres se mêlent à des textures aériennes. Des mélodies anciennes se fondent dans des lignes mélodiques inédites. «Je n’avais pas prévu de faire un album sur la dualité», admet Remez. «Mais c’est l’album qui m’a trouvé. Ces tensions font partie intégrante du paysage émotionnel.»
Le récit visuel de l’album reflète son récit musical. Chaque single dévoile une partie de la montagne, révélant progressivement le sommet sur la pochette finale. Ce déploiement lent et réfléchi reflète la vision plus large de Remez: un voyage patient et intentionnel vers la clarté, la cohésion et l’accomplissement. Il affectionne particulièrement les compositeurs qui savent mettre leur ego d’instrumentiste de côté, animés par une soif de composition au service de la musique avant tout, et qui invitent leurs collaborateurs à se joindre à cette démarche.
Le parcours artistique de Remez a commencé à la Thelma Yellin High School for the Arts, véritable pépinière de talents jazz reconnus à l’international. C’est là qu’il a découvert un large spectre de traditions musicales, occidentales et orientales, qu’il a façonnées pour créer sa vision unique. En 2005, il a obtenu une bourse complète pour intégrer le Berklee College of Music de Boston, puis un master de musique au New England Conservatory en 2008. Au fil de ce parcours, il a étudié auprès d’un véritable panthéon de maîtres contemporains: Joe Lovano, Billy Hart, George Garzone, Miguel Zénon et Tim Miller.
Depuis, sa carrière est jalonnée de collaborations flirtant parfois avec les frontières du rock, mais c’est avant tout le parfum de l’Orient qu’il diffuse avec le plus d’éclat, presque en relief stéréoscopique. Tous ceux qui ont passé du temps dans cette région du monde reconnaîtront cette topographie émotionnelle: ces passages soudains d’une gravité douloureuse à une poésie pure. C’est précisément ce territoire que Remez explore dans Summit. Même son titre, on le devine, se prête à de multiples interpretations, aussi riche et évocateur que la musique elle-même.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, August 9th 2025
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Musicians :
Nadav Remez – Guitar and Composition
Gregory Tardy – Saxophones and Clarinet
Guy Moskovich – Piano
Ben Tiberio – Bass
David Sirkis – Drums