Blues-Rock |
Que de chemin parcouru par Tony Marlow, depuis le fameux et aujourd’hui collector 45 tours “Western” (1978) par les Rockin’ Rebels, pionniers du rockabilly revival en France. Incontestablement, le regretté Marc Zermati (Skydog) avait eu du flair envers ce groupe d’authentiques rebelles, respectueux d’une certaine orthodoxie du rock’n’roll fifties, en pleine crise iconoclaste durant laquelle, certains ingrats prenaient un malin plaisir à brûler les images et les idoles du passé. La fougue et le talent des Rebels remettront très vite les pendules à l’heure et ils obtiendront un profond respect, même des plus hostiles préalablement. Tony Marlow est l’archétype de l’artiste qui ne reste jamais les deux pieds dans le même sabot, un musicien surdoué qui aime sortir de son confort et des sentiers battus, pour proposer à son fidèle public de judicieuses et d’audacieuses surprises musicales, mais sans jamais renier ses racines, ni son passé. Difficile numéro d’équilibriste pour certains, manque criant de sincérité pour d’autres, là où l’ami Tony réussit avec brio et allégresse. Prendre des orientations au risque de se brûler les ailes tel Icare dans la mythologie grecque, c’est à mon humble avis, être déjà sacrément rock’n’roll, ou méchamment rock’n’roll, comme dirait un certain Christophe (Bevilacqua). C’est vrai qu’on imagine mal Tony Marlow, le postérieur bien calé dans son sofa, sirotant une verveine préparée avec amour par Alicia, tout en contemplant avec nostalgie sa discographie et en se remémorant, la larme à l’œil, les flashbacks des jours heureux à l’odeur de naphtaline. Un peu comme si un poilu, héros de la première guerre mondiale, rejouait la sanglante bataille du Chemin des Dames à ses petits-enfants, devant l’âtre de la cheminée. Non, Tony a besoin de se remettre en cause, de se mettre en danger pour exister. La dangerosité du rock’n’roll, celle que titillaient les Gene Vincent, Vince Taylor, James Dean, etc… et comme Icare, surtout ne pas avoir peur de voler trop près du soleil. Artiste pluridisciplinaire, il nous a, par le passé, habitués à des albums-concept. Sans vouloir pour la énième fois, réécrire l’histoire et la volumineuse biographie de Tony Marlow, je citerais néanmoins les albums Tony Marlow’s Guitar Party “Kustom Rock’N’Roll”, qui rendait hommage aux mythiques guitaristes qui ont gravé leurs noms dans le marbre, de Scotty Moore à Cliff Gallup, en passant par James Burton ou Eddie Cochran… ou plus récemment, les deux opus consacrés à l’œuvre intemporelle du grand rocker anglais Johnny Kidd & The Pirates, sous le nom de K’ptain Kidd. Aujourd’hui, Tony nous revient plus affuté que jamais, avec un album somptueux de blues-rock psychédélique, ou psychedelic pour les plus anglophiles d’entre-nous, cuvée fin 60, décennie 1970. Le heavy blues propre à Jimi Hendrix, Johnny Winter, Rory Gallagher, Deep Purple, Fleetwood Mac, Éric Clapton, Jack Bruce, sans oublier Johnny Hallyday, mais le Hallyday blues-rock psychédélique cru 1968-1969, avec des titres comme “A tout casser”, “Je suis né dans la rue”, “Voyage au pays des vivants”, etc… et d’heureuses collaborations avec Tommy Brown, Mick Jones, Jean-Pierre Azoulay, Peter Frampton, ou encore Long Chris, entre enregistrements à Londres et concerts historiques au Palais des Sports de Paris. Et sans occulter le blues dévastateur d’un Freddie King ou le boogie endiablé d’un Hound Dog Taylor. Le blues-rock psychédélique est en quelque sorte la contre-culture à la culture hippie, San Francisco et Scott McKenzie, appuyé par le phénomène Summer Of Love. Personnellement, je préfère les solos et les riffs hypnotiques et pénétrants d’un Hendrix ou d’un Ritchie Blackmore aux Mamas & The Papas. Autre culture, autre école, mais la musique reste un art majeur et essentiel subjectif. Déjà avec son album “Knock Out!”, on prenait de Tony Marlow un uppercut en pleine poire, un monumental bourre-pif qui nous envoyait direct au tapis ou au mieux, dans les cordes du ring, allégés de quelques molaires et de quelques incisives. A croire que Tony avait croisé les gants avec Joe Frazier ou Mohamed Ali et que son rock surpuissant nous mettait KO technique. Souvenez-vous de son incroyable version de “Born To Be Wild” du groupe Steppenwolf. Mais alors avec “First Ride”, comment dire? L’ex Rebels semble être passé à la vitesse supérieure et les effets de cette déflagration de blues-rock psychédélique a des effets de blast, d’onde de choc destructrice qui vous remuera vos cinq sens au plus profond de vos entrailles, de votre cœur et de votre âme et ne laissera personne indifférent. Et même votre sixième sens extrasensoriel sera atteint de plein fouet. Tel Attila et sa horde sauvage, rien ni personne ne résistera à ce sulfureux power trio “Marlow Rider”, emmené par son leader et docteur es rock’n’roll Tony Marlow et composé des fidèles et très impliqués dans cet ambitieux projet: Amine Leroy à la contrebasse et aux chœurs, et Fred Kolinski à la batterie, aux percussions et aux chœurs. Dorénavant les fauves sont lâchés et aucun obstacle ne viendra enrailler cette belle machine de guerre. L’opus démarre sur les chapeaux de roue avec le titre “Debout!, dans une nouvelle et méconnaissable version, beaucoup plus musclée, titre écrit par l’incontournable et érudit Jean-William Thoury qu’on ne présente plus, le 4ème Bijou, si tant est que Patrick Renassia, big boss de Rock Paradise, en est le 5ème! “Debout!”, dans sa version originale, se trouvait à la base sur l’album “Rockabilly Troubadour “. On peut également citer “Hey Joe” de Billy Roberts, dans sa version française écrite par Gilles Thibaut pour Johnny Hallyday. Deux ans avant la version de Jimi Hendrix et son succès interplanétaire, le premier enregistrement de The Leaves (San Fernando – Californie) date de 1965. Ce standard sera repris par une pléiade de grands noms du rock et du blues: Wilson Pickett, Deep Purple, Patti Smith, Willy DeVille, Popa Chubby… Cette version française de Tony Marlow et ses acolytes, en toute objectivité, n’a vraiment rien à envier aux versions de Johnny Hallyday et d’Alain Bashung. L’intensité est identique et bien palpable. “Juste une autre chanson d’amour” est un blues latino, un titre chaloupé et épicé, tout droit sorti du Golfe du Mexique et de la frontière mexicaine, dans la lignée de “Foolish Girl”, autre titre de Tony, “Senorita Danse” des Rockin’ Rebels ou de “Black Magic Woman” de Peter Green et Fleetwood Mac. “Among the Zombies” pourrait aisément servir de BO à un film de Stephen King ou de Quentin Tarantino, un titre que n’auraient pas renié les Cramps de Poison Ivy et Lux Interior, Hasil Adkins, Alice Cooper, Kim Fowley, Screamin’ Jay Hawkins ou Black Sabbath… “Jimi Freedom” sera, quant à lui, le nouvel hymne scénique de Marlow Rider, lorsque cette dictature sanitaire aussi grotesque qu’inefficace sera terminée et que l’art en général et la musique en particulier, pourront enfin revivre et distiller de l’ivresse et du bonheur en live et à travers l’hexagone. “Sur la route du temps” sonne très tribal et très vaudou, avec ses incantations indiennes dignes des Pow-Wow ou du classique “The Witch Queen Of New-Orleans”. Un titre qu’auraient pu interpréter le groupe de Southern Rock Blackfoot, Dr John, Redbone ou Little Bob sur l’album “Lost Territories”. “Mutual Appreciation” est un titre que j’adore, très accrocheur et très enivrant, enregistré en duo avec une certaine… Alicia Fiorucci, plus connue dans le milieu du rock sous le pseudo d’Alicia F!. Bonnie & Clyde du rock’n’roll à la scène comme à la ville, Alicia et Tony forment un duo et un couple détonant! Certainement le couple le plus glamour et le plus rock’n’roll actuellement en France. Alicia F! (revoir ma chronique sur son 1er 45 tours “My No-Generation” pour Paris-Move, ICI), est un melting-pot entre Fabienne Shine de Shakin’ Street et Bettie Page, la célèbre pin-up des 50’s, aux clichés à connotation fétichistes et de la culture bondage, authentique égérie du look rockabilly. Si Fabienne en est la lionne, Alicia est quant à elle la panthère du rock’n’roll et son premier album est attendu avec beaucoup d’impatience! Et l’opus se termine par une version française de “Purple Haze” du Jimi Hendrix Experience de 1966, sous le titre “Vapeur Mauve”, avec toujours les excellents Amine Leroy dans le rôle de Noël Redding et Fred Kolinski dans le rôle de Mitch Mitchell. Je vous assure que je n’ai pas pris une quelconque drogue hallucinogène avant la rédaction de cette chronique, mais Hendrix disait de ce morceau que l’idée lui était venue lors d’un rêve dans lequel il marchait sous la mer. Et bien, avec cette adaptation remarquable de “Purple Haze” et la totale réussite de cet album conceptuel, je dirais que Tony Marlow marche sur l’eau et semble au sommet de son art. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il peut désormais changer l’eau en vin, mais presque… Il lui aura fallu cinq années de travail acharné pour préparer au mieux cet opus et le résultat est époustouflant et dépasse toutes nos espérances les plus folles et les plus inavouées. “First Ride” du trio Marlow Rider et sa superbe pochette inspirée du film “The Born Losers” de Tom Laughlin en 1967 et les motorcycle gang movies et le son d’enfer, brut et sauvage du blues-rock psychédélique sans fioriture ni édulcoration superflue, capturé par Seb le Bison, est un must indispensable à acquérir d’urgence! Comme quoi, on peut aimer Elvis Presley et Cream, Bill Haley et Jimi Hendrix, Eddie Cochran et Jimmy Page… sans dépareiller ni trahir ses propres racines. C’est un album décomplexé, de très haute lignée que nous propose un Tony Marlow très habité par ce projet et plus sincère que jamais, et ça fait vraiment plaisir de le voir ainsi revigoré, ragaillardi, rajeuni et stimulé par cet album en incandescence qui vous réchauffera le corps et l’âme, un bain de jouvence salvateur par ces temps plutôt moroses et difficiles. En conclusion, je dirais tout simplement merci à mon ami Tony, merci pour cet album sorti de nulle part, ou alors d’endroits inaccessibles voire surréalistes, au plus profond d’une forêt sombre et inhospitalière d’où sortent les hurlements terrifiants des loups et autres créatures de fiction (Howlin’ Wolf). Vive le psychédélisme remis au goût du jour par Marlow Rider. Je me répète: CD INDISPENSABLE…!! Bien entendu, cet album est dédié à la mémoire de Marc Zermati, qui aurait été très heureux du résultat qui dépasse l’entendement! Avec “First Ride”, Tony Marlow est définitivement entré dans la légende du rock’n’roll par la grande porte et en empruntant le tapis rouge, spécialement déroulé par ses pairs.
Serge SCIBOZ
Paris-Move
PARIS-MOVE, January 16th 2021
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