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Une voix pleine de profondeur et de dramaturgie: Marilyn Kleinberg suit les élans de son cœur.
Pour Marilyn Kleinberg, figure familière et appréciée de la scène jazz new-yorkaise, c’est une rencontre fortuite qui a donné naissance à Let Your Heart Lead the Way, son dernier album, sans doute le plus accompli à ce jour. Tout commence à la Soapbox Gallery de Brooklyn, où la chanteuse se produit aux côtés du pianiste John Di Martino et de la contrebassiste Noriko Ueda. Dans le public ce soir-là: Will Galison, grand maître de l’harmonica. Saisi par l’intensité de la prestation, il propose sur-le-champ de produire une session d’enregistrement avec le trio, non sans suggérer, avec malice, d’y ajouter un batteur et de participer lui-même en tant que soliste.
L’arrivée du légendaire batteur Victor Lewis transforme le trio en un quintette redoutable, et le résultat est un album d’une grande cohérence, où Kleinberg brille à son plus haut niveau d’expression. Les arrangements sont sobres, parfois dépouillés, mais ce dépouillement est voulu. Il crée l’espace nécessaire à cette voix puissante, parfois un peu trop affirmée au risque de prendre le pas sur certaines intentions musicales. Mais qu’importe: cet album est pensé comme un concert, avec toute la chaleur et la spontanéité du direct.
Pour comprendre ce qui rend l’art de Kleinberg si singulier, il faut remonter à ses origines. Fille de l’humoriste Bernie Allen, elle grandit dans le Bronx, au cœur d’un univers de rythmes, de voix et de performance. C’est à l’école qu’elle découvre le chant a cappella, une école d’écoute et de justesse. Après avoir exploré le rock, la pop et la soul, elle trouve enfin sa voie dans le jazz—un genre où l’on raconte autant qu’on chante, et où elle excelle.
Avec les années, elle devient une figure incontournable des clubs mythiques du Greenwich Village : Sweet Basil, Seventh Avenue South, Mezzrow, Small’s ou encore le Birdland. À ses côtés, des musiciens de renom : Kenny Kirkland, Larry Willis, Ron Carter, Jaco Pastorius, Buster Williams, Hiram Bullock, Cindy Blackman… autant de partenaires qui ont su accompagner, sans jamais effacer, sa voix inclassable, théâtrale, incarnée, profondément humaine.
Cette magie du collectif s’incarne particulièrement sur “Alfie”, un titre que Kleinberg transcende. Rares sont les interprétations aussi fortes, aussi émouvantes. Loin d’une simple reprise nostalgique, elle en fait un véritable drame en miniature, chaque phrase imprégnée d’émotion. C’est sa signature : transformer chaque chanson en un petit théâtre d’émotions. Et tout l’album procède ainsi, tel un récital plus qu’un simple enchaînement de morceaux.
Son groupe, tout en discrétion, est pourtant essentiel. Chacun apporte sa couleur, son silence, sa respiration. Par moments, la voix semble flotter seule, nue, en apesanteur. C’est impressionnant, et d’une efficacité redoutable. Seule réserve: le premier morceau, peut-être trop contrôlé, trop tendu. Mais très vite, l’album trouve son rythme et coule avec grâce, a sa clarté, et sa fluidité.
Écouter Let Your Heart Lead the Way, c’est comme assister à un spectacle d’un autre temps. On pense à Yves Montand à l’Olympia, cette énergie généreuse d’artistes qui racontent leur époque sans artifices, avec sincérité. Kleinberg est de cette trempe-là: une chanteuse qui investit pleinement chaque mot, chaque respiration, chaque silence.
Qu’elle interprète des standards ou des chansons moins connues, peu importe. Comme Montand, on l’écoute non pour ce qu’elle chante, mais pour comment elle le chante, et ce qu’elle y insuffle de vie, de travail, et d’âme.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, June 19th 2025
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Tracking List :
1 Invitation
Written-By – Bronislaw Kaper, Paul Francis Webster
2 Alfie
Written-By – Bacharach And David
3 I Didn’t Know About You
Written-By – Bob Russell, Duke Ellington
4 Then I’ll Be Tired of You
Written-By – Arthur Schwartz, E.Y. Harburg
5 I Just Found Out About Love
Written-By – Harold Adamson, Jimmy McHugh
6 Never Let Me Go
Written-By – Livingston & Evans
7 Visions
Written-By – Stevie Wonder
8 Say It
Written-By – Frank Loesser, Jimmy McHugh
9 If I Only Had A Brain
Written-By – E.Y. Harburg, Harold Arlen
10 You Won’t Forget Me
Written-By – Fred Spielman, Kermit Goell
11 I Didn’t Know What Time It Was
Written-By – Rodgers & Hart
Credits:
Arranged By, Piano, Music Director – John Di Martino
Bass – Noriko Ueda
Drums – Victor Lewis
Mixed By, Recorded By [Additional] – David Darlington
Photography By, Graphic Design – Christopher Drukker
Producer, Harmonica, Recorded By [Additional] – William Galison
Vocals – Marilyn Kleinberg