Folk-Blues |
Nous vous présentions en janvier dernier le premier album de ce tandem folk-blues (chroniqué ICI), tout en annonçant l’imminence de son successeur. Bien qu’augmenté sur la moitié de ses douze nouvelles plages de la contrebasse de Stéphane Beaucourt (Compagnie du Tire Laine, Dextrobolus) et de l’harmonica du grand Vincent Bucher (Boubacar Traoré, Soba, Tao Ravao), leur duo s’enracine toujours dans la formule unplugged qui nous ravit, et sert au mieux leur répertoire. À ce stade d’appropriation, on ne qualifie même plus ces adaptations du vocable trop réducteur de reprises, tant le travail d’arrangement s’y révèle dense et fécond. Sous l’archet de Margaux, l’illustre “From Four Until Late” de Robert Johnson prend ainsi les accents piedmontais et appalachiens qu’auraient pu lui insuffler John Jackson ou Cephas et Wiggins, et l’à peine moins éculé traditionnel “Going Down To Brownsville” emprunte son picking agile et délicat au grand Mississippi John Hurt. Un pied dans le folk et l’autre dans le Delta, le véhicule acoustique de leur équipage favorise l’alternance d’un style à l’autre, comme en témoigne la valse irlandaise introduisant le “Keep On Trying” de Charlie McCoy (beau-frère de Memphis Minnie), dans une veine que n’aurait pas renié le Hot Tuna des tout débuts (qu’évoque aussi leur version du “Good Morning Blues” que popularisa en son temps Leadbelly). Chantée à l’unisson et exécutée en quartette, la mélancolique plage titulaire bénéficie certes de quatre cordes de contrebasse et du souffle d’un Bucher à son plus sensible, mais c’est encore le violon d’amour de Margaux qui en distille l’essentiel de la dramaturgie. La suite instrumentale “Mam’zel Émélie/ Ortego’s Polka/ 56” s’introduit sur le pas posé d’une pavane, avant d’adopter un rythme plus enjoué pour déboucher in fine sur une citation d’Ali Farka Touré. L’harmo de Vincent offre la réplique au violon grappellien de Margaux sur le “Alabama Bound” de Leadbelly (que Julien chante de son timbre clair et modulé), avant que le fameux “It Hurts MeToo” de Tampa Red ne prenne les atours d’un jug band, sous les assauts d’un Bucher célébrant Will Shade. À mi-chemin de la Louisiane et des moors irlandais, le three-steps instrumental “Fais 0odo/ Wayne Perry’s Waltz” précède le “Midnight Hour Blues” de Leroy Carr, auquel ses harmonies vocales confèrent les accents poignants d’une antienne des Everly Brothers. Le Mississippi saxophone de Bucher preste une dernière saillie sur le “Graveyard Digger’s Blues” de Sam Collins, avant que nos tourtereaux ne concluent seuls avec une version languide du “Cool Drink Of Water” de Tommy Johnson. Un peu comme on le prétend de Mozart et Beethoven, le silence qui succède à l’écoute de cet album paraît encore signé Liénard et Biget: sensible, profond et éminemment touchant.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, December 8th 2024
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Release party (en quartet) jeudi 12 décembre 2024 à la MJC de Croix (F, 59), en clôture de la saison d’automne de Jazz En Nord.
Réservation au (0033) 3 20 72 42 12