MARC CROFTS – Nomadim

Unit Records
Jazz manouche, World Jazz
MARC ROFTS - Nomadim

Fondé par le violoniste et compositeur suisse Marc Crofts à la fin de ses études de jazz à Lausanne, Nomadim effectua ses premiers concerts en 2018, sous le nom de “Marc Crofts Trio”. Pour l’occasion, ce dernier fit appel au guitariste Railo Helmstetter (dont nous avons naguère chroniqué l’album publié au sein de la formation jazz manouche Ytré, un album noté “indispensable” par notre rédaction et dont vous pouvez relire la chronique ICI), ainsi qu’au bassiste Blaise Hommage, rencontré à la Haute Ecole de Musique de Lausanne. Leur appellation collective fait référence à la nature fluctuante de leur musique et à ses influences multiples, ainsi qu’aux origines des membres du groupe. Entre Marc Crofts et ses racines juives, Railo Helmstetter issu d’une dynastie manouche et Blaise Hommage, vagabond notoire, Nomadim se revendique ainsi foncièrement cosmopolite. Marc Crofts s’est lui-même produit avec des musiciens du monde entier, d’Istanbul jusqu’à Séville. Fondateur du groupe Gilgul (musique des Balkans) pour lequel il a composé de nombreux titres, il se produit régulièrement avec d’autres ensembles, qu’il s’agisse du Yolanda Almodovar Flamenco Band, de Swing High, Gypson 5ive, ou encore Hotegezugt. En 2020 il s’est notamment associé avec Yardani Torres Maiani pour un duo de violons flamenco intitulé Falsetas, mais c’est désormais à Nomadim qu’il consacre l’essentiel de ses efforts, puisque les dix plages de leur premier album s’avèrent significativement de sa plume. Du relativement conventionnel “Zaza” d’ouverture (sur un traditionnel dialogue violon-guitare, tel que Grappelli et Reinhardt en déposèrent la formule) au délicat “Baby Bossa” conclusif, c’est selon leur slogan à un “road trip musical” qu’invitent ces trois musiciens. “Novembre” est un splendide exercice que la guitare de Raïlo introduit longuement seul, avant que ses deux comparses ne le rejoignent sur une trame mélancolique, et qu’Hommage y prenne un superbe solo de contrebasse sensible (de même que sur “Eastern Road Trip”). En bon leader démocratique, Marc Crofts y démontre son parti manifeste de partager équitablement l’espace avec ses deux alter egos, et c’est bien le même viatique qui traverse et transporte tout l’album. Les trois instruments s’y expriment en de fructueux et permanents échanges, dont la complicité manifeste emporte l’auditeur. Des deux valses (“Carousel” et “La Goulue”), la seconde accueille en guest l’accordéoniste Marcel Loeffler pour des accents argentins à la manière d’Astor Piazzola, tandis que (tout comme sur “Our Secret Room”), Helmstetter y déploie ce que son jeu doit à des géants tels qu’Herb Ellis, Barney Kessel et Wes Montgomery. Crofts embarque ensuite son monde pour un périple entre la Turquie, la Grèce et la Bulgarie, poussant même jusqu’en Perse et en Arabie avec “Portokali” et le bien intitulé “Eastern Road Trip”, où se télescopent des éléments klezmer, jazz et rebetiko (nomades, qu’on vous dit), avant que nos Mousquetaires ne franchissent d’un bond l’Atlantique pour confronter l’auditeur à d’autres mixtures encore. “William’s Souther Lullaby” et “The Fox’ Strut” empruntent ainsi des travées funk, et les notes de pochette ont beau y indiquer une indiscernable inspiration country, c’est plutôt vers Don ‘Sugarcane’ Harris que pointe ici notre boussole. Un premier album aussi éclectique que cohérent, et éminemment prometteur. Comme un tiens vaut toujours mieux que deux tu l’auras, nous ne saurions trop vous en recommander l’écoute séance tenante: délectation garantie!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 21st 2021