LUCKY LOSERS – Standin’ Pat

VizzTone
Rhythm 'n' Blues
LUCKY LOSERS - Standin' Pat

Fruit de l’alliance san-franciscaine de la chanteuse Cathy Lemons (native de Dallas) et de l’harmoniciste-chanteur Phil Berkowicz (du New Jersey) – tous deux déjà à la tête séparément de trois albums respectifs – les Lucky Losers récidivent de plus belle pour leur cinquième album en commun. Enregistrés selon leur habitude aux fameux studios Greaseland que tient Kid Andersen à San Jose (ce dernier y assurant les parties de guitares, ainsi que de banjo et d’orgue), ces onze nouveaux originaux résultent des récentes pérégrinations du couple à travers une Amérique plus confuse et divisée que jamais. Au registre des droits d’auteurs, si aucune cover n’est à recenser, c’est Cathy qui émarge en premier, avec sept compositions (dont elle en co-signe cinq avec le claviériste Chris Burns), tandis que Phil n’en revendique qu’une seule de sa plume, tout en en co-signant trois avec le grand Danny Caron (ex-guitariste et band leader du regretté Charles Brown). Le ragtime “Pack Up The Bags” s’ouvre sur le piano gaillard de Burns, bien vite rejoint par le timbre vocal mutin de Cathy ainsi que les cuivres de Mike Rinta, Michael Peloquin et Brian Catania, avant que l’harmonica de Phil n’y prenne son premier envol. Propulsé par la basse hypertrophiée de l’excellent Endre Tarczy et le clavinet de Chris Burns, le funky “Somewhere In The Middle” voit Phil assurer à son tour le lead vocal, tandis que Cathy le rejoint sur le refrain. Nous avions déjà mentionné la proximité des Lucky Losers avec ce qu’un autre couple fameux, Delaney & Bonnie Bramlett, produisait avec ses Friends voici un demi-siècle (ainsi que celle du jeu d’harmonica de Phil avec celui de Lee Oskar au sein de War), et ce titre en confirme une nouvelle illustration. Le bluegrass effréné “Rich Strike” célèbre la ténacité des outsiders, via la parabole d’un canasson peu coté qui n’en finit pas moins par remporter le Kentucky Derby, et Andersen s’y éclate au banjo. Dans une truculente veine southern soul cuivrée (digne du Blues Brothers Band), Caron et Berkowitz proposent ensuite “Try New-Orleans”, avec pour coda une trépidante second line estampillée Mardi-Gras. Nos Californiens n’en poussent pas moins leur périple vers le Nord, avec le mid-tempo funk “Down In Memphis Town”, que Cathy interprète dans la ligne des grandes Bobbie Gentry et Aretha Franklin. Si les cuivres restent à la manœuvre, ce sont la slide vigoureuse de Ian Lamson, le Hammond d’Andersen et l’harmo juteux de Phil qui leur donnent la meilleure réplique. Le lounge shuffle “You Can’t Lose With A Winning Hand” offre au funky piano player Chris Burns une nouvelle occasion de se distinguer, tandis que l’harmo de Phil et les six cordes d’Andersen y riffent à l’unisson (de même que les voix des deux lead singers). Le ragtime vaudeville “Rust Belt Blues” déplore la désindustrialisation qui poussa tant de chômeurs désespérés à se ruer aveuglément sous les fourches caudines du populisme le plus crasse. Dans la ligne des Staples Singers, “High Two Pair” célèbre quant à lui l’espérance vitale qui anime tout couple solidaire, tandis que le très Philly Sound “Finish What You Started” révèle un Phil Berkowitz tour à tour crooner de ces dames et Charlie McCoy de service. Pièce de résistance de ce disque (tout au moins en termes de durée), le désabusé “They Wrecked My Town” rappelle la poésie blessée d’une Bonnie Raitt (avec un lyrique solo de guitare de Ian Lamson), avant que la plage titulaire ne ferme le ban sur un vintage rhythm n’ blues enjoué. Au passage, le titre de ce disque ne se réfère en rien à mon prénom (ma modestie ne l’aurait pas souffert), mais à une célèbre figure du poker. Bien joué à nouveau, chers Chanceux Perdants!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 30th 2022

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