Les Moonshiners présentent “Les Mauvais Garçons”

La Fugitive – Moonsh 001
Rock 'n roll
Les Moonshiners

Alors là les amis, c’est indubitablement la bonne surprise, la très bonne surprise de cette fin de printemps 2025 en matière de rock’n’roll, et français de surcroît! En effet, les fabuleux et ténébreux Moonshiners signent leur come-back discographique, inespéré et fantasmé dans les profondeurs du subconscient des apaches et autres marlous de l’asphalte des faubourgs de Paris, ayant survécu à la décennie 1980, et à toute cette utopie collective, issue de la scène psychobilly et rockabilly revival, qui faisait ressembler la Fontaine des Innocents, au cœur des Halles, à certaines scènes du film Règlements de Comptes à O.K. Corral, avec Thierry Pelletier dans le rôle de Burt Lancaster et Frank Williams dans celui de Kirk Douglas. Pratiquement le même synopsis que le western de John Sturges, mais aux Halles, sans balles à blanc ni fleurets mouchetés, et avec des hectolitres de véritable sang qui coulaient inexorablement dans le caniveau, malgré les flasques de Smirnoff et de Jack Daniel’s qui jonchaient le sol, à l’heure du laitier et des sorties de night-club, le Mascara fatigué et les collants-résille effilochés. A cette époque surréaliste et explosive, les Moonshiners partageaient la scène avec les Wampas et les onomatopées de Didier Wampas sur les riffs surf à la Dick Dale du regretté Marc Police, époque Dracu Bop et Shalala… avec les Cramps et les Meteors en vénération suprême.

Huit ans après l’unique CD des Moonshiners Prière Pour Aujourd’hui à la pochette hommage au poète mauvais garçon François Villon, remarquable album qui en son temps avait secoué le cocotier du microcosme timoré et endolori du french-rock médiatique, le groupe hétéroclite de la scène alternative et underground, tel le phénix qui renaît de ses cendres, remet les couverts avec ce vinyle extraordinaire qui dépasse l’entendement d’un rock’n’roll éclectique, qui ne reste pas bloqué dans les starting-blocks des 50’s, ni dans le carcan du psychobilly 80’s: Les Moonshiners présentent “Les Mauvais Garçons”, avec cette superbe pochette signée Tôma Sickart, célèbre tatoueur chez Fatalitas à Montreuil, entre un roman de Léo Malet et une BD de Tardi, qui donne le la et qui résume à elle-seule toute la philosophie, la doctrine et l’étendue de l’œuvre musicale des Moonshiners, en quête du Graal absolu, entre authenticité et sincérité.

Les mythiques Moonshiners semblent sortir d’une époque révolue, d’une machine infernale à remonter le temps, de photos jaunies des vestiges du passé voire de chefs-d’œuvre en péril, ce qui pourrait presque faire sourire un macroniste sirotant son thé au jasmin à La Rotonde ou un mondialiste libéral costard de chez Smalto, se restaurant d’une sole meunière à la brasserie Lipp entre insupportables m’as-tu-vu. Et pourtant, cet opus à géométrie variable est un véritable bain de jouvence dans ce marasme musical actuel, médiocre et formaté, et il est aux antipodes d’être suranné.
Quant au mixage très intéressant de Frank Williams, il est d’une modernité inouïe, tout en respectant une certaine orthodoxie du rock’n’roll. Bravo à lui pour cette alchimie sortie de son laboratoire secret, entre deux éprouvettes, un microscope, quelques vinyles et sa guitare Gretsch.

Dans cet album des Moonshiners, il y a tous les ingrédients pour faire de celui-ci, un album INDISPENSABLE et CULTE: des larmes, de l’amour, du tragique, du sang, des rires, de la bière tiède, du rock, de la chanson française dite réaliste entre Aristide Bruant, Piaf et Fréhel, de la gouaille âpre et imagée, de l’argot des marlous et autres gigolos de Pigalle, de Belleville, de Ménilmontant, de la rue St Sauveur et du boulevard Sébastopol, de la country music à ranger entre Johnny Cash et Willie Nelson, et à faire frémir Ennio Morricone et à servir de BO à un western spaghetti de Sergio Leone, entre bandits mexicains aux Colts nerveux et expressifs et prostituées trichant au poker et buvant du whisky frelaté directement au goulot…

Thierry “Cochran” Pelletier ou Thierry “Cockrane” Pelletier, l’orthographe se différencie au gré des articles de presse, Thierry Pelletier disais-je, regard franc d’aigle blessé, stature de fauve indompté par un système nauséabond, excellent interprète au vécu d’écorché vif qui force le respect et qu’on écoute religieusement, les esgourdes en alerte rouge, les quinquets écarquillés, le petit doigt sur la couture de son pantalon. Un authentique rockeur, qui revient de loin, de très loin, qui connut moult galères que même Caïn n’aurait pas souhaité à son frère Abel, exprimant son art au sein des Moonshiners avec conviction, magnétisme et fascination, entre troquets improbables de l’est-parisien et de Montreuil, entre squats et usines délocalisées ou en dépôt de bilan, au milieu de rats et de souris, semblant apprécier le rock’n’roll et twistant à perdre haleine. Des endroits où les fauteuils de velours rouge n’existaient pas et où les loges de fortune pour saltimbanques motivés, étaient les pissotières d’un autre siècle. Des no man’s land où même les bus de la RATP ne s’arrêtaient pas. Thierry Pelletier, travailleur et éducateur social pour toxicomanes et SDF durant 10 ans, auteur d’ouvrages collectors comme La Petite Maison Dans La Zermi ou Les Rois Du Rock (Libertalia), humaniste entre intelligence et colère, mais jamais donneur de leçons, Thierry est le Jean Valjean des Misérables de Victor Hugo du rock, l’un des héros de la Cour des Miracles ou du chef d’œuvre de Zola, Au Bonheur Des Dames. Le charismatique Thierry Pelletier est une sorte de Cavan Grogan (Crazy Cavan), apôtre d’un rockabilly du prolétariat, au cœur et à l’âme cabossés par les affres et l’ironie de la vie, teigneux et bagarreur (mais au cœur énorme et à l’âme pure et charitable, qui a exclu de son vocabulaire le mot ingratitude), quelques incisives au Père Lachaise, quelques cocards en plus, la batte de base-ball ensanglantée, Synthol, Mercurochrome et rock’n’roll de rigueur… stigmates d’un rock des bas-fonds, pour tous les damnés de la terre et des laissés-pour-compte, à l’instar de Tai-Luc de La Souris Déglinguée, resuscitant le spectre de Villon, statufié Square Paul Langevin et errant les nuits de pleine lune, entre la rue des Ecoles et la rue Monge. Thierry Pelletier ferait passer Lucien de Margerin pour un garçon-coiffeur et Gérard Lambert de Renaud pour un petit chanteur à la croix de bois.

Quant à Frank Williams (chant-guitare et mixage), il n’est pas qu’un sparring-partner exceptionnel. Il tient une place prépondérante au sein des Moonshiners. Outre ses indéniables qualités de chanteur-guitariste, il s’impose également comme un sublime esthète ayant plus d’une corde à son arc, un acteur/comédien, dont la notoriété s’accroît avec le temps. En effet, Frank Williams a vraiment la gueule de l’emploi, une tronche à faire du cinéma et un regard à faire exploser la caméra et à crever l’écran. Frank Williams n’est pas le sosie physique d’untel ou d’untel, qui aurait qu’un intérêt limité. Mais son regard est mélancolique, sentimental, triste et chevaleresque à la fois, qu’il y a un mélange d’Eddie Cochran et de James Dean dans celui-ci. Frank pourrait aisément jouer les rôles d’un officier du second empire, d’un grognard de l’armée napoléonienne, d’un philosophe de l’antiquité gréco-romaine, d’un héros de cape et d’épée, d’un dandy à la Oscar Wilde ou Charles Baudelaire, d’un néo-romantique, le biopic d’Alphonse de Lamartine, rejouer la Dolce Vita de Fellini avec Lambretta et Martini on the rocks, le Comte de Monte-Cristo, un remake d’Autant en emporte le vent, ou encore d’un gentleman cambrioleur à la Arsène Lupin…

Michaël Corbran (chant-guitare), auteur du tube Au Fond Des Bars, est quant à lui un excellent guitariste et un remarquable chanteur à la voix singulière et parfaite pour chanter le pur  rockabilly 50’s et la chanson française réaliste du Paris populaire.
Je cite également les divins Emmanuel Marchand (Docteur Banza) au chant et au banjo, Alex Romera à la contrebasse et Cyril à la batterie, qui ne donnent pas leur part aux chiens dans la totale et fulgurante réussite de cet album. A noter que pour le titre Cluck Old Hen, les Moonshiners ont engagé des choristes aux heureux caquètements dans une basse-cour. Mais je vous laisse découvrir le résultat.

Le rock’n’roll des Moonshiners, et cet album en particulier, est à destination de tous les apaches aficionados d’une certaine poésie urbaine des faubourgs et des zincs. Des loustics à casquette plate à visière de titi de Paname, foulard rouge sur pull rayé, cheveux gominés avec accroche-cœur à la Bill Haley, surin dans la poche révolver, joueurs invétérés de bonneteau, comme le chantait jadis Aristide Bruant avec discernement ou comme le relatait avec à-propos le film Casque d’Or de Jacques Becker. Les Moonshiners sont l’antithèse des groupes pour bobos de la rue Oberkampf, des pignoufs acnéiques qui pensent s’émoustiller en écoutant Feu! Chatterton, tout en buvant du Spritz Saint-Germain lors des Happy Hours dans les endroits guindés du 11ème arrondissement. Des esprits chagrins et autres sources confidentielles, m’ont prévenu que Les Mauvais Garçons, enregistrés à Ménilmontant entre janvier 2013 et juillet 2023, était le dernier des Moonshiners et que leur unique concert du 19 avril dernier au Mange Disc de Montreuil, était leur chant du cygne avant de discrètement et humblement tirer leur révérence. Je n’ose y croire! Sortez les kleenex! Il faut absolument que les fans du gang se réveillent et qu’ils fassent pression pour qu’il continue sa fantastique épopée!

Quoi qu’il en soit, Les Moonshiners présentent “Les Mauvais Garçons” est un disque stratosphérique et INDISPENSABLE! Incontestablement, l’un des meilleurs disques de rock français du moment, avec Jerry Lease ou encore Daniel Sani chante Jean-William Thoury (voire quelques autres… Qui…? Vous plaisantez, j’espère!!!). Tiens, comme c’est bizarre, l’excellent Jean-William Thoury (4ème Bijou) a écrit un texte sur le verso de la pochette, un texte bien envoyé dont lui-seul a le secret. Bon, je vous laisse, car je vais manifester, mégaphone en bandoulière, sous les fenêtres de Frank Williams et de Thierry “Cochran” Pelletier, en plein cœur des vignes de Corbières, pour qu’à l’instar des Compagnons de la Chanson ou d’Eddy Mitchell, malgré leur annonce d’adieux, ils continuent d’arrache-pied leur histoire qui est loin d’être terminée et fassent perdurer la légende Moonshiners! Seigneur, ayez pitié de ces âmes en déroute…

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, June 16th 2025

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Pour se procurer l’album, une seule adresse quant à présent: ICI, sur Discogs

IMPORTANT: le vinyle est une “Limited Edition”, à 300 exemplaires seulement!!!!

Tracklisting du vinyle:

A1  Love,Love Alone
A2  Les Mauvais Garçons
A3  Cluck Old Hen
A4  LAst Day At Gettysburg
A5  Le Sebasto
A6  Common Man

B1  When The Lights Are Low
B2  Cleopatra
B3  Petit Jean
B4  The Dark End Of The Street
B5  So Glad
B6  I Am The Wild One

Credits:
Banjo – Docteur Banza
Double Bass – Alexandre Romera (2)
Drum – Cyrille Andrieu, Vincent Talpaert
Electric Guitar – Frank Williams (2), Mickael Corbran
Liner Notes – Jean-William Thoury
Mixed By – Frank Williams (2)
Vocals – Docteur Banza, Frank Williams (2), Mickael Corbran, Thierry Cokrane Pelletier

A vous procurer également: Les Moonshiners – “Prière Pour Aujourd’hui”

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