KENNY NEAL – Straight From the Heart

Booga Music / Ruf Records
Blues
KENNY NEAL - Straight From the Heart

Si Raful, son harmoniciste et chanteur de père, était une étoile au panthéon des musiques du bayou, c’est sans conteste à Kenny Neal que revient, depuis trois bonnes décennies, le statut de star internationale du blues (en sus de celui de nouveau patriarche de la famille). Ayant débuté comme nombre de ses frères dans l’orchestre familial (où sévissait aussi un certain Buddy Guy, alors encore débutant), le jeune Kenny fut ensuite engagé en tant que bassiste au sein de celui de Junior Wells. Quand en 1988, son premier album solo (paru l’année précédente sur le label King Snake) fut réédité (sous un nouveau titre) par Alligator Records, Kenny embarqua avec ses frangins sur le circuit des clubs et festivals de par le vaste monde, inscrivant dès lors leur patronyme au fronton des plus respectés. 35 ans et une vingtaine d’albums plus tard, il n’a rien oublié. Ni de ses années d’apprentissage, ni du compagnonnage aussi exigeant que bienveillant de ses aînés. Il n’est dès lors guère étonnant que sa nature généreuse l’amène à soutenir à son tour d’autres talents émergents. Ainsi du one man band Brody Buster, dont il a produit en 2019 l’excellent “Damn! I Spilled The Blues” (chronique ICI, sur Paris-Move), ou encore l’an dernier celui de la chanteuse Patti Parks (chronique ICI, sur Paris-Move), tous deux enregistrés dans son Brookstown Recording Studio, et publiés sur son propre label, Booga Music. Il manage également dans sa bonne ville de South Baton Rouge le club Neal’s Juke Joint Showcase Room, tout en joignant à son implication dans l’immobilier l’entretien d’une salle dédiée à la mémoire du blues local dans le West Baton Rouge Museum de Port Allen. Parmi toutes ces activités (et entre deux tournées), ce bon Kenny a heureusement trouvé le temps d’enregistrer à la maison le nouvel album que voici (dont le mixage s’opéra ensuite aux fameux Royal Studios de Memphis, sous la houlette de Boo Mitchell). Comme une synthèse, il y déploie le vaste éventail des diverses facettes de sa discographie. Ainsi du “Blues Keep Chasing Me” d’ouverture (dans la veine d’Albert King et Buddy Guy), qu’il dédie à la mémoire de son ami Lucky Peterson, récemment disparu. Son fidèle frangin Darnell officie à la basse, tandis que les claviers croisés de Arnet Hayes (piano) et Brandon Adams (Hammond B3) soutiennent le souffle cuivré du saxo de Jason Parfait et de la trompette de Ian Smith. Avec l’apport bienvenu de Christone “Kingfish” Ingram, “Mount Up On The Wings Of The King” est un jump-shuffle en hommage au non moins regretté B.B. King, tandis que la cover du fameux “I’ll Play The Blues For You” en est un autre envers le grand Albert King. Kenny partage ensuite le micro avec le vétéran Tito Jackson (l’un des Jacksons 5 originels), pour un “Two Timing” des plus rhythm n’ blues, où les 504 Horns de Smith & Parfait tiennent un rôle prépondérant. Il n’est alors que temps de remettre les pieds dans la glaise fangeuse du swamp avec le bien nommé “Louise Ana”, et Kenny accueille à cette fin le renfort idoine de l’accordéon de Big Nate Williams, dûment flanqué de Rockin’ Dopsie Jr. et ses Zydeco Twisters. C’est l’occasion pour Kenny (par ailleurs guitariste émérite) d’emboucher l’harmonica dont il est un aussi brillant praticien. Il conserve cet instrument sur le nonchalant “It Don’t Cost Nothing”, y assénant au passage quelques saillies dignes de Lazy Lester et Slim Harpo, pendant que les cuivres se la jouent navire à aubes. Les Zydeco Twisters reviennent pour un “Bon Temps Rouler” qui n’en mérite pas que le titre. Trois accordéons y zinzinent de concert, tandis que Kenny y fait virevolter ses six cordes, et que les cuivres poussent davantage encore à la roue. Traduction s’il en fallait une: “let the good times roll”! Kenny pastiche ensuite Fats Domino et Jimmy Reed pour un “It’s Been So Long” où son harmonica épouse les licks séminales de Slim Harpo sur “Honest I Do”, avant de dédier l’émouvante soul ballad “Someone Somewhere” (signée Junior Parker) à son défunt père. Les cuivres s’y octroient de poignants soli, avant que la guitare du patron ne prenne son envol pour saluer son géniteur. Grand moment d’émotion, auquel l’up-tempo shuffle “I Got To Tell Somebody” prodigue ensuite le réconfort nécessaire. Le washboard de Rockin’ Dopsie Jr. participe enfin au trépidant second line beat du bien intitulé “New-Orleans”, où les ivoires d’Arnet Hayes adoptent certaines tourneries des regrettés Professor Longhair et James Booker, tandis que les cuivres en goguette y apposent le riff du classique “Down By The Riverside”. De l’authentique Nola-Funk pour conclure cet album, dont les racines et l’esprit festif ne se départent jamais. Hautement recommandé!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 3rd 2022

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Thomas Ruf nous sort encore une de ses pépites de derrière les fagots qui laisse pantois! Avec Monsieur Kenny Neal, qui reprend sa Télécaster pour mettre le feu à la maison! Kenny est revenu avec son frangin et quelques autres: Darnell Neal, Lee Allen ou Terrell Griffin à la basse, Arnet Hayes au piano, Jason Parfait au sax, Ian Smith à la trompette, Brandon Adams à l’orgue Hammond B3 et à l’orgue, Michael Harris, Bryan Morris ou Kevin Menard à la batterie, Anthony Dopsie ou Dwayne Dopsie et Big Nate Williams à l’accordéon, Rockin Dopsie JR à la planche à laver… On notera que plusieurs musiciens attestent que la musique là-bas est belle et bien une histoire de famille. Pour preuve la participation de Syreeta Neal au chant.
Kenny Neal a composé 5 titres, il en reprend un de son père, à qui il rend hommage avec cet album qu’il dédicace également à Lucky Peterson. Il a co-composé un titre avec Christophe “Kingfish” Ingram, Mount Up On The Wings Of The King, qui l’accompagne à la guitare et au chant, il a arrangé 4 titres: un de Joe Caruso, un de Junior Parker, un de Jerry Beach et il reprend un titre de Michael Kurt Jackson sur lequel joue Tito Jackson. Ses reprises de I’ll Play The Blues For You, ou Bon Temps Rouler sont déjà dans les annales! Un disque qui donne chaud à écouter, parce que nous sommes à la Nouvelle Orléans, en compagnie d’une Mississippi Queen torride tandis que le bon temps roule!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, April 14th 2022

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