PATTI PARKS – Whole Nother World

Booga Music / Vizztone
Blues
PATTI PARKS - Whole Nother World

Le parcours de Patti Parks est celui d’un destin contrarié, suivi d’une rédemption, d’une renaissance et d’une revanche. À l’âge de seize ans, cette native de Buffalo (à l’ouest de New-York) étudiait le violoncelle et idolâtrait Liza Minelli. Deux ans plus tard, elle candidatait au poste de chanteuse au sein d’une formation locale, le Good Life Trio, et emportait le rôle, au grand dam de sa mère. Voyant d’un œil suspicieux la perspective de voir sa fille s’embarquer en tournée avec des messieurs de près de deux fois son âge, la marâtre y mit son veto, stoppant ainsi en plein élan les ambitions musicales de sa fille. Celle-ci se maria, fonda une famille, et s’efforça dès lors d’oublier toute velléité artistique, pour mener la vie ordinaire d’une respectable ménagère. Alors que la plupart de ces vocations avortées finissent par ne plus susciter chez ceux qui les subissent qu’une sourde nostalgie, ce traumatisme aboutit chez Patti à un mal-être croissant, dont les effets ne s’atténuèrent que 28 ans plus tard, quand elle retrouva par hasard Guy Nirelli, l’un de ses ex-partenaires au sein du Good Life Trio, à l’occasion du centenaire de la compagnie Harley-Davidson. Ce clin d’œil du sort eut sur elle l’effet d’un électrochoc: sous son impulsion, elle reprit bientôt le chant, et entreprit dès lors une nouvelle carrière en tant que blues singer! Désormais réunis, les deux comparses se marièrent et assemblèrent une nouvelle formation, qui fut sélectionnée en 2006 pour représenter la Western New-York Blues Society lors du Memphis Blues Challenge. En 2013, “Cheat’n Man”, le premier album du Patti Parks Band, leur valut des tombereaux de louanges critiques, ainsi que de nombreux engagements en clubs et festivals. Tout en poursuivant par ailleurs son activité d’infirmière (notamment via un programme de réhabilitation à destination d’adolescents toxicomanes, appelé “Nurs’ N Blues”), Miss Parks nous revient à présent plus déterminée que jamais, avec ce nouvel effort produit par le grand Kenny Neal, et enregistré dans les studios de ce dernier à Bâton Rouge. La maturité venue, la blonde Patti arbore en effet un impressionnant registre vocal, à fortiori pour une Blanche d’apparence si diaphane. À la fois puissant et subtilement voilé, son organe transfigure chacune des huit plages de cet album, et il suffit pour s’en convaincre d’y prêter attention à sa performance sur le pourtant risqué “It’s A Man’s Man’s Man’s World” de James Brown. Qu’elle dialogue avec un Kenny Neal seul à la guitare et à l’harmonica sur l’émouvant et dépouillé “Baby Lee”, qu’elle exprime son amour sur “More Than You’ll Ever Know” et “Don’t Play Me Cheap”, ou encore qu’elle éructe sa vindicte de femme bousculée sur “I’m Trouble”, “Sticking To My Guns”, “I Can’t Think” ou “No Means No”, Patti Parks s’impose ici avec brio en tant que performer de tempérament, à la tête d’un band à la fois éruptif et dévoué (où Kenny Neal assume en outre toutes les parties de guitare). Oubliez donc un temps toutes ces blagues circulant sur les blondes…

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 11th 2021