Kaze & Koichi Makigami – Shishiodoshi (FR review)

Circum / Libra - Street date : July 11,2025
Jazz
Kaze & Koichi Makigami – Shishiodoshi

Un paysage sonore surréaliste : Kaze et Koichi Makigami défient les conventions avec “Shishiodoshi”

Voici un album sans concession, radical, énigmatique, conçu pour un public averti. Il ne s’adressera qu’aux auditeurs expérimentés et aux fidèles du trompettiste japonais Natsuki Tamura. Et pourtant, même ceux-là risquent d’être déconcertés par les vocalises théâtrales de Koichi Makigami, dont la performance vocale repousse les limites du possible. L’atmosphère qui s’en dégage évoque une œuvre picturale, presque hallucinée, dans la lignée d’un Salvador Dalí, où l’absurde cohabite avec une forme de classicisme dénaturé, raffinée et dérangeante à la fois.

Kaze – ce quartet coopératif réunit la pianiste et compositrice japonaise Satoko Fujii, les trompettistes Natsuki Tamura et le Français Christian Pruvost, ainsi que le batteur Peter Orins , s’associe ici à Makigami, légende vivante du rock avant-gardiste japonais et de l’improvisation libre, pour un disque qui marie rigueur musicale et excentricité assumée.

«Nous avons pris énormément de plaisir à faire cet album», confie Satoko Fujii. «Koichi a apporté quelque chose d’unique à notre musique, cela nous a poussés à jouer autrement.»

Kaze et Makigami s’étaient rencontrés il y a plusieurs années lors du festival Jazz Art Sengawa, dont Makigami est le directeur artistique. Mais ce n’est qu’au début de l’année 2024, à l’occasion d’une tournée du groupe au Japon, qu’ils ont partagé la scène pour la première fois. Sachant que Makigami allait séjourner en Europe au printemps, Fujii l’a invité à se joindre à Kaze pour un concert à Lille, ville natale de Pruvost et Orins. De cette rencontre est né Shishiodoshi.

L’album est porté par une théâtralité totale. Sa dramaturgie, débridée, déborde l’auditeur. Chaque instrument devient à tour de rôle décor ou personnage, faisant de la musique un théâtre mouvant. Ce disque exige une présence : plus qu’un objet à écouter, c’est une œuvre à vivre. Il appelle à la scène, au regard. Comme la nature en perpétuelle transformation, ou comme ces conversations joyeusement désordonnées entre amis autour d’un bon verre, ponctuées de rires spontanés, l’album est vivant, indomptable.

Composé de seulement trois titres, chacun d’une durée dépassant vingt minutes, Shishiodoshi est parfaitement inadapté aux formats radiophoniques classiques. Mais c’est là une volonté assumée: seules les œuvres profondément artistiques peuvent se permettre de telles longueurs.

Lorsque l’on parvient au deuxième morceau, qui donne son titre à l’album, une évidence s’impose: cette musique appelle une mise en scène. Elle est visuelle, elle réclame d’être vécue en direct. Il faut une forme de grandeur d’âme pour affronter cette œuvre – que l’on soit musicien ou auditeur. Ce genre de création est essentiel à l’évolution des arts, car elle inspire, questionne, suscite des images, provoque des idées.

Pour comprendre la portée de cette rencontre artistique, quelques éléments biographiques s’imposent :

Satoko Fujii, qualifiée par le New York Times «d’improvisatrice à l’intensité grondante et à la retenue généreuse», est l’une des voix les plus originales du jazz contemporain. Depuis près de trente ans, elle fusionne jazz, musique contemporaine, rock et traditions japonaises dans une synthèse personnelle.

Natsuki Tamura, trompettiste au langage singulier, oscille entre lyrisme jazz et techniques étendues. Il a dirigé de nombreux groups, dont Gato Libre et Junk Box, et enregistré sept albums en duo avec Fujii.

Peter Orins, batteur, leader de plusieurs projets, est directeur artistique du collectif Muzzix à Lille. Il travaille également pour le théâtre, le cinéma, et avec des ensembles variés comme Round the World of Sound.

Christian Pruvost, explorateur du spectre sonore de la trompette, est un poète de l’expérimental. Il multiplie les collaborations au sein de collectifs comme Muzzix, Zoone Libre, Dedalus, ou encore Organik Orkestra.

Koichi Makigami, chanteur, poète, performeur, est reconnu pour son travail vocal expérimental, son groupe Hikashu, ainsi que ses collaborations avec John Zorn, Ikue Mori, Derek Bailey… Il est également le fondateur du festival Jazz Art Sengawa.

Dans un ultime album, Léo Ferré chantait: «Muss es sein? Es muss sein!», «Cela doit-il être? Cela doit être!» ,des mots empruntés à Beethoven qui résonnent ici comme une évidence. Et ce seront les derniers que je déposerai.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, June 15th 2025

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To buy this album

Website – Satoko Fujii

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Website – Koichi Makigami

Tracklist:
Make A Change
Shishiodoshi
Inspiration 2