Jorge Garcia – Still Crossing (FR review)

SDG Company LLC – Street date : August 18, 2025
Jazz
Jorge Garcia - Still Crossing

Tout commence comme une lettre d’amour au smooth jazz dans sa forme la plus pure, un titre d’ouverture qui vous enveloppe dans des harmonies soyeuses et des lignes de guitare veloutées. Mais à mesure que le disque se déploie, le dernier opus de Jorge Garcia bifurque vers un paysage sonore plus vaste et plus audacieux: une odyssée world-jazz aux inflexions cubaines. C’est, à bien des égards, comme feuilleter les pages du journal intime de Garcia, une collection de ses idées, de son héritage, de ses passions, et le résultat est indéniablement agréable. Pourtant, comme il le reconnaît lui-même, le chemin vers la sélection de ces morceaux n’a pas été de tout repos.

La liste des titres est révélatrice: des chansons issues d’artistes dont la musique a laissé une empreinte profonde et durable à travers les continents, Led Zeppelin, Elton John, Procol Harum, Janis Joplin, Joni Mitchell et Jimi Hendrix. Ce n’est pas une playlist constituée à la légère; c’est un hommage aux légendes.

Et pourtant, la plus grande force artistique de Garcia ne réside peut-être pas dans ses propres compositions, mais dans les décennies qu’il a passées à prêter sa guitare aux voix des autres. Son CV ressemble à un défilé de géants: Tony Bennett, Patti Page, Andrea Bocelli et Bucky Pizzarelli. Il a enregistré et joué avec Richie Cole, Cécile McLorin Salvant, Israel «Cachao» López et Federico Britos. C’est cette riche histoire de collaborations qui donne à cet album sa personnalité. Plutôt qu’un recueil de chansons révolutionnaires, il s’apparente à une démonstration prolongée de la maîtrise instrumentale de Garcia, des notes précises qui coulent sous ses doigts comme des gouttes de pluie par une nuit d’été orageuse. Pour les amateurs de guitare, cela suffira amplement à séduire.

Ici, Garcia endosse le rôle d’interprète, réinventant des chansons qu’il chérit depuis longtemps et donnant à sa guitare le rôle principal. Il l’entoure de violons semblant flotter depuis un autre siècle, ajoutant une touche de nostalgie. Pour comprendre ce choix, il faut connaître l’histoire : dans sa Cuba natale, une grande partie de cette musique était autrefois interdite. Ce sont des chansons que l’on écoutait à voix basse, que l’on se passait sous le manteau, que l’on jouait derrière des portes closes. Ce secret, et le désir qu’il suscitait, a façonné la vision artistique de Garcia.

Pour ma part, les éléments world-music de l’album m’ont certes intrigué, mais j’ai eu du mal à m’y accrocher au-delà de sa brillance technique. Par moments, le jeu ressemblait davantage à une démonstration qu’à un voyage. Le moment le plus déroutant est survenu avec sa reprise de Piece of My Heart: je n’ai pas pu dépasser les quarante premières secondes, et je n’ai pas retenté l’expérience.

Reste qu’il est impossible de nier la qualité de l’exécution. Pour les jeunes générations de guitaristes de jazz en herbe, cet album pourrait être une source d’inspiration et un modèle technique. Et pour Jorge Garcia, il constitue à la fois un hommage à ses influences et une affirmation de sa propre identité musicale, forgée dans l’exil, polie par la collaboration et portée par la précision de ses mains.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, August 9th 2025

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Tracklist :
Still Crossing
Kashmir
Tiny Dancer
Whiter Shade Of Pale
Piece Of My Heart
Both Sides Now
Little Wing