Americana |
Il n’y a pas à dire, dans le petit monde du folk et de l’Americana, être le gendre d’Arlo (et par conséquent le mari de la petite-fille de Woody), ça pose son homme. Sarah Lee Guthrie et John Philip Irion formèrent ainsi un duo artistique (et un couple légitime) de 1999 à 2014, mais ce patrimoine génético-artistique ne se borne pas à Madame seule, puisque le grand-oncle de Johnny n’était autre que le renommé John Steinbeck (auteur du classique “Les Raisins De La Colère”, adapté au cinéma par John Ford). Bon sang ne sachant mentir, nos deux tourtereaux entamèrent une carrière de duettistes, à perpétuer l’héritage de l’auteur des “Dust Bowl Ballads” et de “Bound For Glory” tout en s’époumonant à tenter de briller de leurs propres feux (ce à quoi ils semblent désormais mieux parvenir séparés). Sur son quatrième album solo, Johnny a rameuté quelques amis pour y jouer les utilités, au premier rang desquels Mike Mills (ex-bassiste et multi-instrumentiste de REM), suivi de Pat Sansone (Wilco), Griffin Goldsmith (batteur de Dawes), Sarah McCombie (Chatham Rabbits) et rien de moins que le grand Jeff Bridges en personne (“The Big Lebowski” des frères Coen, dudes!). Si la thématique de ce recueil de chansons s’articule autour de la nature, sa forme s’apparente également à la bande originale d’un film, et rien de ceci ne relève d’un quelconque hasard. Inspiré du roman à succès de Jay Leutze “Stand Up That Mountain: The Battle to Save One Small Community in the Wilderness Along the Appalachian Trail” (paru en 2013), Irion envisageait en effet de l’adapter au cinéma, dans l’esprit du fameux “Jeremiah Johnson” de Sydney Pollack (avec Robert Redford dans le rôle-titre). Les remous du récent confinement (associés à ceux que suscita son divorce d’avec Sarah Lee) en décidèrent autrement. S’ouvrant sur le countrysant “I Will I Do I Can”, rythme de canasson au trot, fiddle de Chris Murphy et pedal-steel de Charlie Rose en sautoir (“I’m free, I’m strong, and brave and kind/ I’m here and I believe to make this world a better place, and it’s up to you and me”, eh ben mon frère…), on s’y croirait d’abord chez ces blaireaux dorés d’Eagles. Avec Bridges aux chœurs, la plage titulaire s’éloigne heureusement de cet écueil, pour recentrer le débat entre Neil Young circa “Harvest” et le Band de “Music From Big Pink”. “I Am This Mountain” persiste sur cette voie moins escarpée, pedal-steel en goguette et rimshots semi-bossa à l’appui. On songe aussi à la B.O. pastorale d'”Into The Wild” (signée Eddie Vedder) au fil de “Mustangs” (ses flûtiaux mellow et son banjo appalachien), tandis que le CSNY de “Ohio” et le Crazy Horse de “Southern Man” se conjuguent sur le martial “Back Hoe Daddy”, où Johnny sort de sa réserve pour haranguer le badaud sur fond de guitares hérissées et de chœurs hululants. Ne manquerait plus qu’une ballade au piano pour adoucir le stew, et c’est “Vince’s Prayer” qui s’y colle dans une veine lennono-spectorienne période “Imagine”, et avec un echo-delay sur la voix que l’on jurerait nasalisée à l’aide d’une pince à linge. Retour d’un horse-beat léger pour les optimistes et délicats “Shoulder To Shoulder” (où s’illustrent Sarah McCombie et Mike Mills aux chœurs) et “Flowers In The Sun” (dont Linda Ronstadt aurait en son temps fait ses choux gras), et Cowboy Jack Clements et Willie Nelson n’auraient quant à eux probablement pas renié le manifeste “We Stood Up For It” (en mode square dance de fête foraine), avant que ce disque ne se referme sur le paisible instrumental “Mountain Reprise”. Pas encore tout à fait affranchi de l’ombre tutélaire de son beau-père (qui co-signe la plage titulaire), Johnny Irion n’en livre pas moins une œuvre aérienne et lumineuse, hymne aux splendides paysages parmi lesquels il a grandi: “c’est ma première tentative pour réaliser un album folk de portée symphonique, tout en relatant des histoires vraies”. Mission accomplie, brother.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, August 26th 2025
Follow PARIS-MOVE on X
::::::::::::::::::::::::::