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“Ancestral” de John O’Gallagher: la lumière au cœur des ombres de Coltrane
Dans une année déjà riche en parutions marquantes, peu d’albums auront autant frappé les esprits qu’Ancestral, le nouveau disque du saxophoniste John O’Gallagher. Alors que la saison semblait s’apaiser, O’Gallagher surgit avec une œuvre d’une telle intensité, d’une telle profondeur intellectuelle, qu’elle s’impose à la fois comme une renaissance personnelle et une mise à nu artistique.
Enregistré en janvier 2024 aux studios Sound on Sound de Montclair, dans le New Jersey, Ancestral puise son inspiration dans la recherche doctorale qu’O’Gallagher a consacrée à John Coltrane. Mais il ne s’agit nullement d’un exercice académique: c’est un manifeste intime, le témoignage sonore d’une mue profonde. Après avoir quitté Brooklyn, O’Gallagher a d’abord vécu au Royaume-Uni avec son épouse, avant de s’installer définitivement à Lisbonne, au Portugal. Ce déplacement géographique, doublé d’une réflexion théorique intense, a profondément remodelé sa voix musicale.
«La forme importe moins que l’intention», écrit-il sur son site web, une phrase qui pourrait servir de credo à Ancestral. Entouré d’une formation impressionnante, Ben Monder à la guitare, Andrew Cyrille à la batterie, Billy Hart aux percussions, O’Gallagher a enregistré la plupart des titres en premières prises, conférant à l’ensemble une tension et une urgence palpables.
Les compositions vont de morceaux entièrement écrits à des esquisses minimalistes ou des improvisations collectives. Cette économie de moyens devient une signature: Ancestral se présente comme une charpente mise à nu, un cadre ouvert non pas pour enfermer les idées, mais pour les laisser respirer. La rythmique bat comme un cœur, tandis que le saxophone d’O’Gallagher se fraye un chemin dans un paysage sonore mouvant, oscillant entre rigueur mathématique et lâcher-prise émotionnel.
Loin d’un simple «retour aux sources», Ancestral s’apparente à un rite initiatique. Il requiert une écoute rare, attentive, patiente, disponible. L’un des morceaux, «Postscript», est entièrement improvisé, comme si les musiciens devaient, à un moment, se délester de toute certitude. C’est une libération: franchir les codes, les habitudes, refuser la sur analyse. O’Gallagher et ses compagnons avancent vers un espace où la création devient exploration, où le risque devient révélation.
L’album évoque non seulement Coltrane, mais aussi le peintre Pierre Soulages, qui consacra sa vie à peindre le noir pour mieux révéler la lumière. Soulages disait: «Vous avez raison de l’appeler noir parce qu’il est fait d’un seul pigment… mais ce qui m’intéresse, c’est la réflexion de la lumière sur la surface, les variations qui en surgissent.»
Cette phrase pourrait tout aussi bien s’appliquer à la démarche d’O’Gallagher. Ancestral nous invite à écouter au-delà de la surface, à percevoir la lumière à travers la densité, la discipline, le doute. C’est là, entre l’intellect et l’intuition, qu’émerge une poésie lumineuse et profondément humaine.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, October 14th 2025
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Musicians :
John O’Gallagher – alto saxophone
Ben Monder – guitar
Andrew Cyrille – drums
Billy Hart – drums
ALBUM CREDITS:
Recorded at Sound on Sound, Montclair N.J.
Engineered by David Amlen
Mixed by André Fernandes / Estúdio Timbuktu
Mastered by Mário Barreiros
Producer – John O’gallagher
Executive Producer – Michael Janisch
Photography by Owen Howard
Album Original Artwork by Jamie Breiwick and John O’gallagher
Graphic Design for CD & LP by Bside Graphics