Americana |
Quasiment inconnu sur nos rivages (et à ne surtout pas confondre avec l’Irlandais Joe Dolan), ce songwriter, poète et raconteur (ainsi qu’il aime à se présenter) n’en est pas moins à son cinquième album. Né sur les rives du Saskatchewan (dans le Sturgeon County, au cœur de l’Alberta canadien), il carbure au rythme soutenu de 150 concerts de moyenne par an, où il se rend la plupart du temps au volant de sa Dodge Caravan de 2003 (qu’il appelle Rocco). Licencié pour sa distribution américaine auprès du label de Marvin Etzioni, cet indépendant chevronné n’en revendique pas moins l’autoproduction de cette nouvelle parution, qu’il entame par l’éthéré “Wake Up Sleepy Anna”. Avec ses amples arrangements sur country background, on ne peut s’empêcher d’y établir des comparaisons avec le Dylan cryptique de “Visions Of Johanna” et le Dennis Wilson de “Pacific Ocean Blue” (affublés de cordes façon David Axelrod), avant que “Too Much Time To Kill” et “Half A Tear, Half a Grin” ne livrent une version plus épurée de ces références. Encore qu’avec son orgue à la Garh Hudson, le premier n’aurait pas franchement déparé “New Morning”, ni le second (plus à l’os encore) “John Wesley Harding”. Il faut dire que ce brave Joe semble avoir assimilé le jeu d’harmonica disons, euh, particulier, de Robert Zimmerman… Les cordes qui enrobent “Been Here Before” ont beau lui conférer un côté Neil Diamond (ou Nilsson, pour rester poli), et “Blood On The Pages” rappeler le Cat Stevens de “Teaser And The Firecat”, leur forme bavarde et éminemment seventies leur confère un irrésistible arôme de madeleine à boomers. Même avec sa drum-machine à la con, “Rebound” ne peut d’ailleurs s’empêcher d’évoquer davantage Marc Bolan que New Order (et c’est bien sûr tant mieux). En dépit de son ironie acerbe (dont on ne trouve d’équivalent que chez Elvis Costello), “Modern Day Melancholy” (presque la meilleure plage de l’ensemble, si vous me demandez) n’en colporte pas moins un message de résistance envers nos temps trop désincarnés. Mais c’est finalement avec “Daffodil” (qu’accompagne seul Tyler au piano) que cet enfoiré de Nolan nous cueille au plexus: de Harry Chapin à Chris Bell, Eric Carmen, Kurt Weil, Scott Walker et Cole Porter, qui d’autre s’est en effet montré capable d’autant d’émotion pudique concentrée en quatre minutes? On avait pourtant prévenu: pas d’attaques personnelles… Tant qu’ils y sont, ces lascars nous assènent encore “The Maze”, sorte de blues fourbu comme Lennon en balançait entre “Imagine” et “Mind Games” (et deux gueules de bois), avant de conclure sur une ultime dylanerie, “When I Call Your Name” dont on atteste et certifie devant vous qu’elle aurait amplement mérité de figurer sur la set-list de “Blood On The Tracks”. Enregistré “live off the floor” à Los Angeles sous la houlette de Tyler Chester (qui officie aussi à la basse, au piano et à ce fucking drum programming), cet album à la sauce vintage bénéficie des participations du batteur Jay Bellerose (Robert Plant & Alison Krauss), du contrebassiste Sebastian Seinberg (Lucinda Williams), de la violoniste et choriste Sara Watkins (Nickel Creek) et du guitariste Dylan Day (Jackson Browne). En résumé, si l’on peine à imaginer ce qu’aurait bien pu devenir Joe Nolan si Dylan n’avait pas existé (réserve qui vaut pour beaucoup d’autres, d’Elliott Murphy à Calvin Russell, en passant bien entendu par Springsteen), il faut admettre aussi que cela fait un bail que ce dernier n’y parvient plus lui-même… Alors émule, disciple, ersatz ou plagiaire? Personnellement, je m’en moque, cela fait trop longtemps que j’en éprouve le manque. Ça fera au moins l’affaire jusqu’à Noël. et on verra bien ensuite…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, August 3rd 2025
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