Blues |

Un peu comme Felix Pappalardi entre 1967 et le début des années 80, Jimmy Vivino est une sorte de Zelig de la scène blues et rock de ces quatre dernières décennies. Né en 1955 dans le New-Jersey, il se fit d’abord connaître en tant que directeur musical de la comédie théâtrale “Leader Of The Pack” à Broadway, avant de se produire dans les clubs New-Yorkais à la tête de son propre band (The Black Italians!), dont le producteur et mentor n’était autre qu’Al Kooper. Pilier 25 ans durant de l’orchestre maison du programme TV “Late Night With Conan O’Brien”, il apparut également à la tête d’un tribute band à succès dédié aux Quatre de Liverpool (Fab Faux!), tout en poursuivant de front une carrière solo, ainsi que celles de producteur et session man auprès d’anonymes tels que Johnnie Johnson, Hubert Sumlin, Levon Helm, Al Kooper, Phoebe Snow, John Sebastian, Donald Fagen, James Cotton, Joe Louis Walker, Jimmie Vaughan, Johnnie Johnson, Louisiana Red, Big Bill Morganfield, Laura Nyro, Odetta, Lowell Fulson, Son Seals, Darlene Love, Felix Cavaliere, Barry Goldberg, Nick Gravenites et Warren Haynes, avant de resurgir l’an dernier au sein du dernier line-up en date de Canned Heat (chroniqué ICI). Ne manquait plus à son palmarès qu’un énième album solo, et c’est le label de Mike Zito qui publie donc aujourd’hui celui-ci. Relocalisé à L.A. depuis 2008, c’est avec un timbre vocal rappelant celui du regretté Johnny Winter qu’il entame son propos avec “Blues In The 21st”, dans un registre guère éloigné du Heat, et présentant une slide furibarde maniée par personne d’autre que Joe Bonamassa (pourquoi se priver, quand on dispose des moyens et du carnet d’adresses ad hoc?). Le Vivino funky pointe le museau (entre les lunettes et la barbiche digne de Billy Gibbons) avec le saccadé “Ruby’s Back”, où il assure, outre la guitare et le chant, une sympathique partie de Hammond B3 évoquant le John Mayall de “Streamline”. Entre Doc Pomus et Dr John, la plage titulaire est un savoureux rhythm n’ blues the old fashion way, où officie Scott Healy au piano (de même que sur les deux plages suivantes). Comme son titre l’indique, “Beware The Wolf” est un upbeat shuffle en hommage à Chester Burnett, dont John Sebastian imite le jeu d’harmonica en invité. Mambo hanté et tribal, “Ain’t Nuthin’s Gonna Be Alright” ne déparerait pas le répertoire de ce grand malade de Tom Waits, tandis que “Better Days Past” rappelle à bon escient le Rory Gallagher solo de “Deuce”, et que la majestueuse supplique “Fool’s Gold” en fait autant avec la fratrie Allman en matière de slow blues sudiste (orgue et soli de guitare idoines à l’appui). Entre Hank Snow et Jimmy Reed, “Crossed My Mind” est un shuffle en mode crossover, que suit l’Appalachien “Goin’ Down Fast” (avec accordéon assuré par Scott Healy et percussions de Mark Texeira, partenaire coutumier de Duke Robillard). Sur un nouvel Howlin’ Wolf pattern, “Shady Side Of The Street” prend le contre-pied du poncif inclinant à arpenter plutôt le bright one, avant que John Sebastian, vétéran du Loving Spoonful, ne repasse la tête à l’harmo et à la guitare pour un “Back Up The Country” final en mode acoustique. Si l’objectif de cet album sans la moindre reprise (fait rare en ce registre) semble le plaisir, il est pleinement atteint, et de surcroît amplement communicatif. Certains vieux briscards maîtrisent tellement leur affaire qu’ils demeurent capables de tels petits miracles bien au-delà de l’âge de la retraite. Vivino est manifestement de ce nombre, et ne paraît guère disposé à raccrocher.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, January 30th 2025
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