JIMMY REITER – Live

Pogopop Muzik / Membran
Blues
JIMMY REITER - Live

Le gonze en question se prénome Christoph, et naquit dans un bled d’Allemagne de l’Ouest du nom d’Osnabrück voici près d’une quarantaine d’années. Mais depuis deux bonnes décennies, tout le monde hors de son patelin le surnomme Jimmy. Oh, pas en raison de Hendrix, non (un ‘m’ et un ‘y’ de trop), ni de Page non plus (trop de plomb). Ni même du frangin d’un certain Stevie Ray (toujours ce foutu ‘y’), bien qu’il eût sans doute pu y prétendre. Si l’on explore par contre la piste d’un certain Dawkins, on ne se trouve guère loin de la source du prénom pseudonyme: même intransigeance, même humilité, mais surtout aussi la même farouche détermination. Le dit Jimmy Reiter commença par se placer au service d’un leader, l’harmoniciste et chanteur de Washington Doug Jay. Comme tant des ses compatriotes, ce dernier s’était mis en quête d’accompagnateurs européens, afin d’optimiser les coûts de ses propres incursions sur le vieux continent. Avec le roué bassiste batave Jasper Mortier, Doug Jay & The Blue Jays arpentèrent ainsi, dix ans durant, quantité de planches européennes, et le novice (mais déjà doué) Reiter y puisa tout ce dont un bluesman a besoin pour son apprentissage. Après deux albums aux côtés de son mentor (ainsi que quelques tournées auprès d’Angela Brown, Keith Dunn et Guitar Crusher, et des collaborations en studio avec Big Daddy Wilson, Larry Garner, Sax Gordon, Darrell Nullish et Deitra Farr), le dude décida en 2011 qu’il en avait soupé de jouer les supplétifs, et fonda sur un coup de tête son propre gang. Conservant l’expérimenté Mortier à sa dextre, Jimmy Reiter aligna dès lors un imparable brelan discographique en tant que leader. La reconnaissance internationale de ce bluesman d’Outre-Rhin surprit autant la critique (médusée) que les publics des plus grands festivals européens (conquis de haute lutte), jusqu’à… Bon Dieu, sacrefoutre et mille sabords, jusqu’à ce foutu mois de mars 2020, pardi! Stoppé net (comme tant d’autres) dans son élan conquérant, Jimmy Reiter n’eut alors qu’à lécher ses plaies: plus aucun engagement live, bien qu’y résidât pourtant la sève de son art. Cloué au sol comme un Boeing au lendemain d’une série de crashs inexpliqués, il ne lui restait donc que ses dix doigts pour pleurer. Mais aussi, cet accumoncellement d’enregistrements publics récents, auxquels il s’était bien juré de puiser quand le rythme des tournées lui en laisserait le loisir. À quelque chose, malheur semble presque bon, puisque c’est à quoi notre garçon s’est résolu à employer ce temps contraint, dont il nous livre à présent le fruit. Captées en deux occasions (le concert annuel qu’il donne dans sa ville natale, en janvier 2020, et un show radiophonique à Vienne en Autriche, au printemps précédent), les près de 80 minutes qu’il nous en propose auraient voici quarante ans fait l’objet d’un double LP live, format héroïque s’il en fut. Transposé à l’heure numérique, l’exercice n’en perd cependant nulle saveur, puisqu’y étincelle mieux que jamais le jeu aussi érudit que flamboyant d’un guitariste ayant distillé près de huit décennies d’antériorité en la matière. Avec le renfort des claviers pertinents de Nico Dreier et d’une jubilatoire section de cuivres, la rythmique huilée à souhait de Mortier et du bien nommé Björn Puls prodigue au ciselé Jimmy le carburant propice à ses saillies, renvoyant tour à tour à T-Bone Walker, Earl Hooker, B.B. King, Ronnie Earl et Duke Robillard. Vivifiées par la scène et le public, la plage titulaire de son dernier album solo (“What You Need”) et “What’s In It For Me?” confirment la maturité désormais consommée d’un musicien ayant assimilé la quintessence de ses maîtres. Le mambo “Too Many Cooks” de Willie Dixon (que raviva en son temps Robert Cray) bénéficie d’un solo de sax baryton qui en épaissit la sauce à point nommé, tandis que les six cordes de Jimmy y convoquent l’esprit du jeune Peter Green. Le “I Shouldn’t But I Do” du regretté Dr. John cahote sur les sentiers louisianais où caquètent des cuivres joufflus et le piano canaille de circonstance (de même que “It’s Easy When You Know How”), avant que le “Hard Times (Have Surely Come)” de Luther “Guitar Jr” Johnson ne ranime le fantôme du Magic Sam d'”All Your Love”, et que le propre “Give It To Me Straight” de Jimmy ne célèbre au long cours la flamme du B.B. King éternel, en un tour de force à l’imparable crescendo. Le funky “Woman Don’t Lie” de Luther “Snake Boy” Johnson emprunte la facture d’un Johnny Copeland, avant que Jimmy ne rende hommage à son patron initiatique, Doug Jay, au fil de deux compositions qu’il co-signa avec ce dernier (“I’m Givin’ In” et “Hooked”). Il reprend encore “Who’s Minding The Store?” d’Allen Toussaint (déjà présent sur son précédent album), avant de conclure en beauté sur un instrumental frénétique (le bien intitulé “Jimmy’s Boogie”), où il confirme avec brio l’admiration qu’il porte à Ike Turner et Freddie King. Conjuguant allègrement ce que l’on se trouve en droit d’attendre d’un live en pareil registre (swing, flamme, culture et feeling), Jimmy Reiter aligne ici avec panache et authenticité rien moins qu’un fichu classique.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, January 12th 2021

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L’album de JIMMY REITER – Live, est à commander sur le site de l’artiste, ICI

Retrouvez la chronique de l’album “What You Need” sur Paris-Move et noté “Coup de coeur”, ICI

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Jimmy Reiter Band – Give It To Me Straight (live):