Blues |
L’occupation américaine a laissé en Allemagne quelques séquelles, dont la moindre ne s’avère pas l’acculturation de ses générations postérieures au baby-boom. Il n’est sans doute pas fortuit que nombre de formations blues et rock anglo-saxonnes y trouvèrent un public aussi fidèle qu’assidu. Corollaire paradoxal de cet axiome, si la Germanie recèle en son sein quantité de bluesmen de grand talent, ces musiciens (dont la plupart n’ont guère à envier à leurs modèles d’outre-Atlantique) peinent encore à s’exporter par delà leurs frontières, et en sont souvent réduits pour y parvenir à se cantonner au rôle peu gratifiant de touring band. Ce fut longtemps le cas des pourtant excellents B.B. & The Blues Shacks, ainsi que des Bluescasters qui backent de nos jours encore l’harmoniciste américain Memo Gonzalez (avec à leur tête l’une des plus fines lames européennes en termes de blues guitar). Et ce fut également le lot de Christoph “Jimmy” Reiter, enrôlé tout jeune par l’harmoniciste de Washington Doug Jay au sein de son european band, les Blue Jays. Il y fit ses classes dix ans durant, avant de se résoudre à se lancer sous son propre nom, en dépit des vicissitudes qui en découlent. Ceux qui eurent le bonheur de l’apprécier sur scène et sur disques au temps de ses années de formation le savent bien: ce garçon est trop modeste au regard de l’ampleur de son talent. Ayant biberonné l’école des trois King, mais aussi celle de Steve Cropper circa Booker T. (l’instrumental “Jim-Pan-Zee” qui clôt ici le ban), il déploie mieux encore que jamais l’éventail de ses capacités. Funky comme Freddie King avec son adaptation cuivrée du standard “One Mint Julep” (et les arrangements du glorieux Sax Gordon aux fourneaux), il se love ensuite dans le groove laid-back d’un Chis Rea pour la plage titulaire. Tandis que l’auditeur s’immerge dans ce jacuzzi tempéré, Jimmy lui masse les inducteurs de licks aussi subtils que précis, comme on n’en avait plus guère ouïs depuis que Peter Green et J.J. Cale nous ont lâchés. L’héritage de son ex-patron continue de fructifier, puisque Jimmy co-signe ici deux plages avec ce dernier (l’irrésistible shuffle “Hooked”, zébré d’un solo de Hammond B3 de l’excellent Nico Dreier, et le cuivré “Give It To Me Straight”, dans la veine du B.B. King historique). Les covers souligent l’éclectisme de bon ton d’un musicien de goût, de Dr. John (“I Shouldn’t But I Do”) à Frankie Lee Sims (“Lucy Mae Blues”) et Allen Toussaint (“Who’s Minding The Store?”). Il se moque gentiment (son trait dominant) de l’égoïsme ambient (son exact contraire) sur “What’s In It For Me?”, mais si la tenue générale de ce troisième album en neuf ans s’avère de haut niveau, elle confirme surtout un chanteur à l’assurance acquise, ainsi qu’un guitariste sachant se montrer aussi brillant que concis (à l’opposé des démonstrations oiseuses dont se rengorgent encore trop de coqs de basse-cour). La New-Orleans funk touch ne s’exprime pas mieux que sur l’irrésistible “It Is What It Is”, entre Freddie King période Shelter et le Traffic dernière époque de Steve Winwood. Quant à l’entêtant “No Turnin’ Back”, on y croise les ombres de Buddy Guy, Junior Wells et Larry Garner. Qu’on se le dise une fois pour toutes: Jimmy REITER est bien l’epitome du cool, et cet album vous fera de l’usage!
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, May 25th 2019
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