Jimi Hendrix – Valleys of Neptune

Sony
Blues
Et voici un CD qui alimentera encore longtemps les débats sur ce qui sort des tiroirs après le décès des artistes. Et comme toujours, certains noms donnent une couleur très particulière à ces interminables discussions sur ces ‘nouveaux’ albums: Jimi Hendrix, Jim Morrison, Janis Joplin,… Ces artistes morts jeunes, en plein succès, et dont l’aura reste non seulement intacte mais plus intense encore au fil du temps, quoi que l’on dise, que l’on grave, que l’on publie, que l’on édite sur eux.
 
Comme d’hab, un album de Jimi Hendrix ne laissera personne indifférent. Certains diront jusqu’à plus soif que la famille Hendrix continue à se gaver sur les restes du gaucher prodige et que ce CD ne recèle qu’un seul ‘nouveau’ titre, un morceau encore jamais gravé dans les sillons des vinyles et ceux des galettes laser, ‘Valleys of Neptune’, justement, celui qui donne son titre à l’opus.
Ceci dit, un titre encore jamais diffusé, cela vaut, à mon humble avis, cent fois mieux que certaines rééditions d’artistes encore vivants dont on compile en vrac quelques hits et quelques titres passés inaperçus. Alors quitte à parler business, parlons business sans langue de bois.
Et puis, personne ne trouve réellement à redire à ces artistes et à ces groupes qui ressortent leurs albums enrichis de Bonus Tracks, car la nouveauté est là, même si on se farcit l’album une seconde fois (pour ceux l’ayant acheté à sa première sortie). C’est ainsi que l’on se retrouve avec le CD de l’album original, celui du ‘live’, souvent, puis celui de la version ‘anniversaire’ ou celui enrichi de Bonus Tracks, quant ce n’est pas le coffret ‘collector’ avec non seulement un ou plusieurs CD en bonus, mais avec un livre(t) et le packaging conçu pour l’occasion. Alors on se régale à écouter les ‘x’ versions de tel ou tel titre (un conseil: foncez sur le fabuleux coffret de l’album ‘In the Court of the Crimson King’, de King Crimson!!!) et on bouquine, on se passionne pour les photos et les notes du livret, comme à l’époque des vinyles, en fait. Cette époque où chaque galette était un bien précieux, car fragile, unique.
 
Voici donc que l’on annonce un nouveau Jimi Hendrix. De quel droit, me direz-vous, puis-je chroniquer un opus délivré par le maître incontesté de la Strato? Du droit d’avoir usé mes phalanges de droitier à jouer ce que ce gaucher de génie avait écrit comme titres mythiques. Des morceaux d’anthologie, et que tous les grands ont ensuite repris, de Clapton à SRV. Des titres dont certains sont (re)proposés ici, en version inédite, comme ‘Stone Free’, premier morceau de cet album et qui fut, en son temps, la face B de ‘Hey Joe’.
 
Et quitte à commémorer 2010, année qui marque les quarante ans de la disparition du Voodoo Child, autant le faire avec un nouvel opus.
 
Sur ce ‘Valleys of Neptune’, onze des douze titres ont été enregistrés en 1969. C’est le 16 février 69 que débutent les sessions d’enregistrement à l’Olympic Studios de Londres. Et il faut parler d’ « enregistrements », car Jimi Hendrix travaillait tellement ses morceaux qu’il souhaitait toujours tout enregistrer. Comme s’il sentait que chaque prise resterait à chaque fois unique, essentielle.
Ce 16 février 69, nous sommes un an après Electric Ladyland, avec le même Eddie Kramer aux manettes, et six mois avant Woodstock. Jimi Hendrix enregistre et répète, car deux jours plus tard il sera sur la scène du Royal Albert Hall. Il s’approprie un titre de Cream, ‘Sunshine of Your Love’, puis enchaîne sur ‘Lover Man’ et ‘Crying Blue Rain’, titres que vous retrouvez sur cet album et qui datent tous trois du 16 février. De la journée du lendemain, ce sont deux morceaux qui figurent au Panthéon de la guitare qui vous sont proposés: ‘Fire’, puis ‘Red House’, dont les presque huit minutes et demie feront frissonner tous les joueurs de six cordes, les plus grands compris. Sans aucun doute, une des plus belles versions interprétées par Jimi Hendrix en personne.
 
Sur tous ces titres, on retrouve Mitch Mitchell à la batterie et Noël Redding à la basse, avant que ce dernier ne se fasse virer par Hendrix pour être remplacé par Billy Cox, un ancien copain de régiment et qui apportera au trio ce son plus soul et plus funky qui marquera les titres suivants, comme ce ‘Stone Free’, par exemple, et qui débouchera sur le changement de nom du trio en Band of Gypsys. Un apport qu’Eddie Kramer expliquera à sa manière: «Bien que viscéralement attaché au Blues, Jimi aspirait à de nouveaux sons, de nouvelles ambiances.»
 
Mais côté grosses surprises, cet album ne vous en réserve pas qu’une, avec cette sublime version de ‘Red House’. Ecoutez ce ‘Hear my Train a-comin’ et vous prendrez une autre claque mémorable tant le trio Hendrix-Redding-Mitchell est non seulement en fusion parfaite, mais en communion incandescente. D’ailleurs le livret vous précise que le titre figurant sur le LP ‘Midnight Lightning’ n’était pas la version considérée comme ‘définitive’ par Jimi Hendrix et que c’est celle proposée sur ‘Valleys of Neptune’ qui est la version finale de ce morceau.
 
Et à l’écoute de cette version, no problem, on se dit que c’est vraiment celle-ci qui aurait du être sur l’album original. A moins, comme vous le disent déjà de mauvaises langues, que le Eddie Kramer n’ait fait des miracles à partir des bandes de ce 7 avril 69.
 
Ceci dit, le miracle est dans le fait de nous proposer aujourd’hui, plus de quarante ans après, pareille qualité d’enregistrement, comme si le gaucher à la Strat avait été encore en studio il y a quelques mois à peine. Car la magie incontestable de cet opus est le faire sonner ‘actuel’, comme si les musiciens venaient à peine de quitter le studio, et rien que pour cette qualité-là, punaise, j’en ai des frissons…!
 
‘Valleys of Neptune’: un CD à ranger juste après les trois albums sortis du vivant de Jimi Hendrix, et avant même tous les autres. Un album que l’on pourrait qualifier d’indispensable, comme ces trois albums, mais auquel nous attribuerons la note ‘Coup de Cœur’ car cet album frappera tous les fans de Jimi Hendrix et tous les amateurs de guitare au cœur, le loustic nous ayant quitté trop tôt. Quarante ans, déjà…
 
Frankie Bluesy Pfeiffer
Jimi Hendrix