People, Hell And Angels, compilation qui ne dit pas son nom de chutes de studios du meilleur d’entre nous (Jimi Hendrix, 1942-1970), doit être envisagé comme le deuxième volet d’une trilogie initiée par Valleys Of Neptune en 2010 et conclue par Both Sides Of The Sky en 2018. Pour le gaucher céleste, la guitare était la clé des portes de la perception et de la créativité. Mais il n’a pu tracer sa propre voie et nous inviter à la suivre qu’au prix de longs tâtonnements, parfois hors du cadre étriqué de l’Experience comme ici entre mars 1968 et août 1970, avec guitare rythmique, claviers, cuivres et percussions, qu’il s’agisse de soul chantée par Lonnie Youngblood (“Let Me Move You”) ou Albert Allen (“Mojo Man”), de versions fœtales de classiques posthumes (“Hey Gypsy Boy” pour “Hey Baby”, “Crash Landing” pour “Freedom”) ou de prises alternatives de pièces cartographiant des mondes inconnus (“Izabella”, “Villanova Junction Blues”). Le livret érudit transcende la légende et permet de confronter chaque prise avec celles précédemment publiées, officiellement (pendant les périodes Michael Jeffery de 1970 à 1973, Alan Douglas de 1974 à 1995, puis Experience Hendrix) ou pas (coffrets 6 CD Astro Man en 2003, 10 CD In The Studio en 2006 et 22 CD Moonbeams & Fairytales en 2008). Avec, en ligne de mire, Firsts Rays Of The New Rising Sun (1997), plus proche de la vision qu’avait Hendrix pour son quatrième album que Voodoo Soup (1993) et The Cry Of Love (1971).
Cet album contient douze enregistrements du génial guitariste qui n’avaient jamais été publiés jusqu’ici…! La collaboration avec le Jimi Hendrix Experience est achevée, avec Mitch Mitchell à la batterie et Noël Redding à la basse. Jimi Hendrix essaie d’autres voies, d’autres collaborations, soit avec de vieux copains, comme sur ce Let Me Move You, avec Lonnie Youngblood au chant. Une vieille connaissance avec qui il avait enregistré deux singles de Rhythm & Blues avant d’être découvert par Chas Chandler. Autre essai sur Mojo Man avec Albert Allen qui chante avec son band qui accompagne le guitariste, mais aussi d’autres essais avec des musiciens tels Billy Cox à la basse et Buddy Miles à la batterie, musiciens avec lesquels il enregistra le Band Of Gypsys, ou encore avec Stephen Stills à la basse, Larry Lee à la guitare rythmique, Mitch Mitchell à la batterie et Jerry Velez & Juma Sultan aux percussions, Rocky Issac à la batterie… Selon certains, Jimi Hendrix songeait d’ailleurs à s’adjoindre les services d’un guitariste rythmique pour monter quelque chose de différent, mais qui peut l’assurer, aujourd’hui…
Le plus ancien enregistrement date du 13 mars 1968 et le plus récent d’août 1970, à l’Electric Lady Studios de New York où fut remixé le Mojo Man sur lequel chante Albert Allen et qui fut d’abord enregistré au Fame Studios de Muscle Shoals, Alabama, en 1969.
Huit morceaux furent enregistrés au Record Plant de New York en compagnie d’Eddie Kramer, que l’on retrouve au Sound Center de la même ville pour mixer Somewhere. Cet Eddie qui était encore présent au Hit Factory lorsque Jimi enregistra des morceaux où il joue avec un deuxième guitariste. C’est d’ailleurs Eddie qui produit cet album avec la soeur de Jimi, Janie et John McDermott.
Sans procurer d’inoubliables et d’inénarrables sensations, ce disque constitue néanmoins une pierre supplémentaire à l’édifice hendrixien d’un musicien de génie parti beaucoup trop vite. Le livret qui accompagne la galette est impeccable, tant du point de vue iconographique que du point de vue des informations qu’il fournit. Un bel objet que les fans de Jimi se doivent de posséder. Un objet culte de plus, en attendant un nouvel inédit, peut être…
Guitariste novateur, insatiable créateur de sons, compositeur remarquable, Jimi Hendrix était déjà de son vivant l’icône du génial musicien que sa brutale disparition ne fera que renforcer. Etait-ce cette lassitude d’être idolâtré au travers du Jimi Hendrix Experience, ou alors cette volonté de se remettre en danger en cherchant d’autres voies musicales qui poussa le guitariste à pousser les portes de studios pour y enregistrer des morceaux en compagnie d’autres musiciens que le duo du Experience…? On peut y penser, alors que d’autres en doutent, tout comme certains en ont la certitude. Le mérite de Eddie Kramer est de nous offrir des preuves sonores que le Hendrix du Experience a bien jammé et enregistré avec Stephen Stills, entre autres, car un fameux télégramme retrouvé dans un Hard Rock Café prouverait que Jimi Hendrix avait contacté Paul Mc Cartney pour venir jouer de la basse avec lui. Télégramme que Paul n’aurait jamais vu, ni reçu, car ayant quitté en coup de vent les studios de Abbey Road suite à une crise de colère contre la presse…qui l’aurait annoncé mort. Qui sait ce que ce duo aurait pu donner en studio…
Sur ce People, Hell and Angels coproduit par Janie Hendrix, John McDermott et Eddie Kramer sont alignés douze enregistrements encore jamais publiés qui englobent un large éventail de sons et de styles, avec notamment la présence d’une seconde guitare, preuve que Jimi Hendrix était une nouvelle fois à la recherche d’une évolution de sa musique. Parmi les musiciens présents on retrouve le batteur Buddy Miles et le bassiste Billy Cox, avec qui Hendrix avait servi dans la 101ème division portée.
Jimi Hendrix, qui aurait fêté son soixante-dixième anniversaire le 27 novembre prochain, entretenait une relation à part avec Eddie Kramer. C’est en effet Eddie qui a produit tous les albums du guitariste de son vivat et c’est lui qui a également enregistré certains concerts cultes, comme celui du festival de Woodstock, en août 1969. Voilà qui vous démontre également que cet album n’est pas un de ces disques réalisés en sous-main avec du matériel dont on ne sait même pas vraiment si c’est Hendrix qui joue, comme le font certains, mais un album ‘officiel’, et que Jimi aurait sans doute sorti avec plaisir. Et qu’il écoute avec plaisir, de là où il est. Quelque part entre people, hell and angels…