JASON RICCI & THE BAD KIND – Behind The Veil

Gulf Coast Records
Blues, Funk, Rhythm 'n' Blues
JASON RICCI & THE BAD KIND - Behind The Veil

Ne soyons pas superstitieux: même en comptant son récent album en commun avec l’organiste Joe Krown (chroniqué ICI), ce disque-ci n’est jamais que son douzième à ce jour (du moins en tant que leader), et à l’aube de la cinquantaine, l’enfant terrible et surdoué de l’harmonica semble enfin en mesure de goûter aux joies de la stabilité. Classé parmi les tout meilleurs harmonicistes de la planète, Jason Ricci nous livre donc sa troisième collaboration avec sa dernière formation en date, The Bad Kind (la mauvaise engeance, on ne se refait pas…). Calmé et rangé des bécanes dans son nouveau fief de New-Orleans (où il a épousé la chanteuse et songwriter Kaitlin Dibble), il co-produit cette rondelle avec Tony Daigle, depuis le studio Dockside basé à Maurice en Louisane. S’ouvrant sur la déroutante java à trois temps “Casco Bay” (qu’il joue au chromatique), ce disque débute dans l’esprit cabaret burlesque de Tom Waits et Screamin’ Jay Hawkins. On ne voit que Guy Forsyth pour arpenter les mêmes sillons sur la scène actuelle, mais dès le “5-1-15” qui suit (et que chante Mme Ricci en personne), le Nola R&B façon Huey Piano Smith et Fats Domino reprend ses droits. C’est Joe Krown qui en assure le piano chaloupé, tandis que le guitariste Brent Johnson le gratifie d’un solo percutant, avant que le boss ne s’en octroie à son tour un bien exubérant. “Baked Popato” est un instrumental swinguant à souhait, où le talent de Jason s’épanche dans la veine virtuose d’un George Smith. Depuis la disparition de William Clarke, on ne dénombre plus que Rick Estrin, Dennis Gruenling et Rod Piazza pour rivaliser dans ce registre, et les six cordes de Johnson y évoquent la verve d’un Junior Watson. Manifestement dédié à la troupe de saltimbanques canadienne du même nom, “Cirque Du Soleil” est un shuffle buté signé Jack Joshua (ci-devant bassiste de Bad Kind), au fil duquel son patron témoigne de sa science du Chicago blues harp. Ce sont les quatre cordes du même Joshua qui introduisent ensuite “Wrong Kind Of Easy/ Nobody But You” de Kaitlin, que cette dernière chante avec les accents canailles d’une Julie London interprétant “Fever”. Le batteur John Perkins y chabalise au charley tout en marquant le temps fort en rimshot, tandis que ce diable de Johnson y prend un solo digne du Brian Setzer de “Stray Cat Strut”, et que le mari de Kaitlin la rejoint au micro sur le medley “Nobody But You” (signé Little Walter). Jason transcende le funk lubrique du “Ain’t She Fine” de Bobby Rush, avec une prestation vocale digne du Napoleon Murphy Brock des Mothers de Zappa (qu’évoquent également  les riffs et choruses de Brent Johnson). Inutile de préciser que l’harmonica s’y fend à nouveau d’un solo acrobatique à souhait! Second single extrait de ces sessions, le standard “St. James Infirmary” bénéficie d’un traitement plus policé, bien que le chant de Ricci y adoptât la tournure déchirante que suggère la chanson. L’harmo y endosse à lui seul le rôle des cuivres funéraires avec un écho à glacer le sang, pour achever ce titre sur la Marche Funèbre… Le couple Katie-Jason simule une scène de ménage sur le funky beat que prodiguent leurs amis (dont un Joe Krown au B3, et un Johnson jamais en reste pour bouter le feu). “Terrors Of Nightlife” est un slow number au parfum Tex-Mex crépusculaire, chanté en duo et progressant en crescendo, dont le solo d’harmonica s’avère confondant d’inspiration et de sensibilité. À nouveau signé Dibble, le “No Way” qu’elle interprète est un heavy blues empruntant son riff au  “Spoonful” de Willie Dixon et perclus de slide et d’harmonica saturés, avant que ce disque ne se conclue sur deux reprises: le “Shipwreck” de Jeff Turmes (avec un pattern similaire à celui du “Evil” de Howlin’ Wolf), et l’instrumental “Hip Hug-Her” de Booker T. & The MG’s (dont Krown se délecte bien entendu à l’orgue, et où Johnson se régale à suppléer Steve Cropper). Que vous appréciiez la virtuosité sans ostentation, la fantaisie sans complexe ou tout simplement la joie de vivre en se trémoussant, voici de quoi vous remonter le moral jusqu’au printemps prochain!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 24th 2023

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