GUTTERCATS – Rise & Fall Of The Last Civilization

Wishing Well Records (France) / Lucinda Records (Spain)
Rock
GUTTERCATS - Rise & Fall Of The Last Civilization

De même que le corps humain se compose à 90% d’eau (H₂O), le rock est essentiellement question de fantasmes. Ainsi que le chanta mieux que quiconque Ray Davies avec son “Rock & Roll Fantasy” (sur “Misfits”, ultime grand album des Kinks avant la décrépitude), les plus forcenés des zélateurs du genre le savent bien, puisqu’ils partagent avec leurs fans (ou leurs chapelles, pourrait-on écrire) cette conviction que tout se joue éternellement entre eux contre le reste du monde. Dans leur Neverland, en somme, comme chez Peter Pan et ses Garçons Perdus (ou encore Peter Perrett et ses Only Ones). Formés à Paris en 2007, les Guttercats sont bien de ce nombre: apprêtés de fanfreluches hors d’âge (casquettes maritimes post-“A Hard Day’s Night” millésimées Groovies, chemises John Stephen of Carnaby Street, boots Daniello, perlouses, bagouses et colifichets…), ils s’obstinent à hanter les nuits glauques de rades improbables parmi une faune d’égarés qui leur ressemblent, avant de regagner le lendemain leur quotidien d’incompris notoires. “They only come out at night”, comme l’énonçaient Daryl Duke et Mike O’Dowd… S’ouvrant en mode Morricone et “Pulp Fiction” sur la slide emphatique de Chris Waldo et l’orgue sépulcral de François Matuszenski, la plage titulaire s’emballe furtivement en un pont diddlesque, tandis que de son timbre sinistre, Guts Guttercat (Hervé Michel pour l’état civil) énonce la sentence, sous le martèlement lugubre des toms de Honor G.Hal. Sur le même ton crépusculaire, “Aliens Are Back” (agrémenté de la viole de Mathilde Rouaud) fait écho aux Barracudas de “Mean Time”, avant que le rimshot en tic-tac de “Lament In The Night” ne rappelle, avec son strumming de six cordes acoustiques, celui du “Time Waits For No One” des Stones. Les ivoires de Matuszenski ourlent cette plage d’arrangements délicats, tandis que le chorus qu’y prend Waldo accentue le parallèle avec ceux d’un Mick Taylor dans la fleur de l’âge. Les mid-tempos “Everything I Touch Slides Through My Hands”, “All Fall Down” et “Out Of Style”, ainsi que le grandiose “When You Lose Your Dearest Friend” (orgue et castagnettes Spector incluses) et “If You Love Me” (avec son final quasi-flamenco) persistent dans cette veine ténébreuse (avec toujours une prédominance guitare-viole-claviers), confirmant certaines accointances déjà relevées avec Johan Asherton (cf. chroniques de leurs précédents albums ICI, ICI et ICI). Entre la morgue de Jeremy Gluck et celle d’un jeune Iggy, “Beautiful Curse” actionne la touche early-Stooges pour se conclure sur un solo de wah-wah incandescent, et “Wishing On A World” ferme le ban entre Only Ones et Barracudas, afin que les choses restent bien claires. Sans renoncer le moins du monde à leur ADN, les Guttercats témoignent, avec ces dix nouveaux originaux, d’une évolution qui les affranchit définitivement de la cohorte de bourrins pseudo-revivalistes avec laquelle ils ne comptent rien de commun. 18 ans d’existence, serait-ce pour eux l’âge de l’accomplissement? Ce disque exhale en tout cas un sévère parfum de revenez-y.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, February 5th 2025

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