Americana, Folk |
Les singers, songwriters et multi-instrumentistes canadiens Gordie Tentrees et Jaxon Haldane se sont connus et croisés deux décennies durant sur les circuits folk nord-américains, y bâtissant, outre leur admiration réciproque, une solide amitié (celle-ci les amena même à enregistrer ensemble un album live il y a six ans, “Grit”). Que ce soit en solo ou au sein de leurs bands respectifs (The D.Rangers pour Jaxon, et Hill Country News pour Gordie), ces deux stalwarts de l’americana ont donné des centaines de concerts de par le monde (que ce soit en formule clubs, lors de festivals ou en ouvrant pour des pointures telles que Mary Gauthier, The Sadies, Jon Spencer et Fred Eaglesmith). En marge de leurs carrières solo respectives, ces deux amis se sont cette fois piqués d’aller enregistrer leur premier album studio commun à Nashville, aux Troubadour Studios et sous la houlette de Nash Chambers. Se répartissant à part égale l’écriture de ces dix originaux, nos compères y officient aux guitares acoustiques, Resonator et électriques, ainsi qu’à l’harmonica, au banjo, à la scie musicale et à la lap-steel, tout en s’adjoignant une dream-team de musiciens du cru, parmi lesquels on dénombre Shawn Fichter aux percussions, Steve Mackey à la basse, Tania Elizabeth au violon, Bill Chambers à la lap-steel, Lucky Oceans à la pedal-steel et (icing on the cake) le vétéran Charlie McCoy en personne (harmoniciste de légende auprès de Dylan, Presley et notre Eddy Mitchell national, parmi quantité d’autres). Autant dire que si l’objectif consistait à s’immerger au cœur du Nashville sound, nos lascars n’ont pas lésiné sur les moyens pour y parvenir. Et c’est manifestement réussi dès le “Drive Or Push” d’ouverture (que signe et chante Jaxon), où le grand McCoy livre un de ces choruses qui ont établi sa renommée. Le “Franklin” qui suit s’avère une three-steps waltz rétro (avec soli de mandoline et de pedal-steel roboratifs), dans la veine de l’historique “Beaucoups Of Blues” qu’enregistra jadis sur place un certain Ringo, en contexte similaire (McCoy en était bien sûr déjà). Le “Bygone Days” que signe et chante à son tour Gordie est un rag alerte et millésimé, où s’illustrent particulièrement le violon de Tania Elizabeth et la pompe de Mackey à la contrebasse. En revanche, “Nowhere Fast” adopte une tournure plus contemporaine (entre le Band historique et les Long Ryders de Sid Griffin, dont “Bobbi & Gus” prolonge les références via ses Coal Porters). Gordie exprime sur “Arcata” son mal du pays, lorsque ses tournées l’en éloignent trop à son goût, tout en réalisant sur “Time” à quel point les hasards de la vie et des tribulations finissent souvent par faire coïncider les lieux et moments les plus opportuns pour leurs protagonistes. Avec sa lugubre scie musicale et ses chœurs de marins, “Tinkering” n’aurait pas déparé le répertoire des Pogues, et le “Crystal” de Jaxon est un chouette bluegrass reel, avant que Gordie ne ferme le ban sur le blues-shuffle choral “Gratitude”, où brille une dernière fois l’harmonica de Charlie. En résumé, voici un album sincère et généreux, où transpire à chaque mesure la complicité de nos deux Canadiens avec leurs hôtes du Tennessee.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, May 9th 2025
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