GARY LUCAS & YASS BODY – Here Is The Ocean

Noa Music / My Funky Friend
Folk psychédélique
GARY LUCAS & YASS BODY - Here Is The Ocean

L’un des écueils majeurs pour la critique musicale réside dans l’éventualité de se trouver en présence d’une œuvre dont on ne cerne aucune des références. À l’opposé, entendre celles-ci se bousculer au portillon n’en facilite pas pour autant la tâche, et c’est partiellement le cas pour cet E.P. 5 titres (+ 1 ghost track) que nous proposent le relativement méconnu Yassine Mourad Boudlal et l’inversement légendaire Gary Lucas (dont nous avions chroniqué l’anthologie ICI). Résumons nous: après avoir officié cinq ans durant auprès de Captain Beefheart, ce guitariste new-yorkais forma son propre groupe, Gods & Monsters, avant d’œuvrer de manière décisive à la découverte et l’avènement de Jeff Buckley. Figurent également au palmarès de ce spadassin des collaborations avec Lou Reed, John Cale, Nick Cave, Kevin Coyne, John Zorn, Alan Vega, Peter Hammill, Chris Cornell et Warren Haynes (entre autres)… Quant à Yassine (alias Yass Body), il est un électron libre, hyperactif et versatile, de la scène musicale lilloise (Psykokondriak, Wes Waltz). Ces deux-là se sont rencontrés à New-York lors d’une soirée en hommage au fils Buckley, dont Gary figurait en tête d’affiche. Lors des préparatifs de ce concert, son organisateur fit écouter à ce dernier la reprise de “Mojo Pin” (co-signé Lucas et Buckley, tout comme la plage titulaire du premier album studio de celui-ci), qu’avait enregistré Yass en guise de démo pour postuler à ce programme. Séduit, le guitariste le fit monter à ses côtés pour clôturer la soirée, et dès le lendemain, lui expédia un instrumental de son cru avec cette proposition: “Je l’aurais offerte à Jeff, peux-tu revenir vers moi quand tu en auras écrit les paroles?”. Il n’est que temps de démêler le faisceau de références parmi lesquelles s’inscrivent donc ces cinq originaux. Gary Lucas partageait avec Jimmy Page une admiration sans borne pour le parangon du néo-folk british Bert Jansch, dont l’influence est patente sur l’ensemble du versant agreste de l’œuvre de Led Zep (dont se revendiquait également Jeff Buckley). Et dès le “Pain Train” d’ouverture, on reconnaît le cousinage qu’impriment le jeu virtuose de Lucas et le chant lyrique de Yass, avec le “That’s The Way” qui figurait sur le “Zeppelin III” (que reprirent d’ailleurs Page & Plant sur leur propre “No Quarter”, ainsi que Lucas lui-même, sous le titre “Rishte”, avec la chanteuse indienne Najma Akhtar). Sur le “Here Is The Ocean” titulaire, la prestation vocale de Yass emprunte au regretté Jeff maints de ses maniérismes, au point que l’on pourrait presque croire y ouïr un inédit de ce dernier. Mais comment ne pas se laisser imprégner de tels modèles, quand on a la chance de bénéficier de leur proximité? Yass définit lui-même cette carte de visite comme du folk psychédélique, et on ne le contredira notamment pas sur ce point.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, February 11th 2024

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