Eric McFadden – Pull A Rabbit Out Of His Hat

Bad Reputation
Rock

Grosse baffe que ce nouvel opus de McFadden, le dark magic guitarist qui met plus d’un gratteux à genoux. Adepte de tout ce qui peut bousculer, déstabiliser, embrouiller et embrumer, le charismatique chanteur aux dreadlocks et à la Godin noire comme une nuit sans lune nous embarque cette fois dans un trip intense où les reprises de hits méga-connus revisités à la McFadden remplaceront toutes les substances hallucinogènes les plus hard.
D’ailleurs le titre de l’opus l’annonce à sa façon, et du coup, vous êtes attentif à ce que ce lapin va vous sortir du chapeau de ce Volume 2, le Volume 1 étant annoncé pour….l’an prochain. Histoire de ne rien faire comme les autres.
La première surprise est de taille, avec une superbe reprise de ‘Ashes to Ashes’, de David Bowie. Plus grave et plus chargée de graviers que celle de Bowie, la voix de McFadden vous embarque dans les profondeurs inexplorées de ce titre que vous redécouvrez avec plaisir avant de vous plonger, tête la première, dans une superbe adaptation de ‘Run through the jungle’ du Creedence Clearwater Revival.
A peine la jungle traversée, vous êtes invités à rentrer dans la taverne où officie d’habitude Tom Waits pour y déguster un ‘Jockey Full of Bourbon’. La guitare hispanisante de McFadden enflamme le morceau autant que le bourbon qui vous coule dans le gosier. Façon torrent déchaîné. C’est fort et ca vous remue de l’intérieur. Impossible de rester insensible à cette sublime version d’un des plus beaux titres du bon Tom.
Que dire ensuite de cette formidable adaptation de ‘Ramble On’ de Led Zeppelin, puis de ce ‘This is love’ endiablé qui ferait rougir de plaisir la belle P.J. Harvey…
Les qualificatifs pas encore sortis du chapeau vont se bousculer au portillon car les surprises ne sont pas finies, mais éclatantes, comme cette reprise ‘princière’ de ‘Darling Nikki’ qui colle si bien à l’univers de McFadden. Une version qui vous fera décoller de votre fauteuil et vous emportera au paradis des envies les plus folles, vous faisant atterrir d’un coup en milieu d’album avec une fort belle reprise de ‘The Partisan’, histoire de calmer la bête de sexe que vous êtes pendant quelques minutes avant de vous balancer en pleine tronche un ‘Got to give it up’ d’enfer, à faire vibrer sur la scène du ciel le plus noir les ombres de Thin Lizzy.
Ensuite, le lapin vous fera sortir du chapeau un délicat ‘Mother’s little helper’ des pierres qui roulent puis un délicieux ‘Delia’s gone’ payé cash avant de vous envoyer en pleine figure un tonique et clash’ique ‘(White man) In Hammersmith Palais’, histoire de vous obliger à vous remettre sur la platine tout ce que vous n’aviez plus réécouté depuis des lustres. Et comme pour mieux vous secouer les neurones recouverts de poussière, le McFadden vous balance une superbe, exceptionnelle version de ‘Eleanor Rigby’ sur laquelle sa guitare hispanisante fait merveille. Si, après cela, vous ne filez pas acheter ce phénoménal ‘Pull a rabbit out of his hat’, vous ne méritez même plus de posséder une chaîne hi-fi ou un lecteur laser. Que la peste FM vous envahisse et vous emporte au plus loin, loin, loin, en entendant comme un refrain d’adieu ‘If you see her, say Hello’, de Bob Dylan, car celle-ci aussi, le McFadden vous la sort du chapeau, comme si les plus belles ballades avaient été écrites pour lui. Que pour lui!
Et comme le lapin ne cesse de vous sortir les trucs les plus insensés du chapeau, voici le percutant ‘Jesus is just alright’ des frères Doobie, avec son rythme carré et bien lourd, histoire que vous le sentiez sur l’estomac un bon moment, avant le coup fatal, ‘Blight’, de Vic Chessnut, histoire de vous tordre les tripes en tout sens. Les cuivres envahissent votre salon et vous ne savez plus si vous êtes retournés dans la jungle, ou y êtes restés, à moins que ce ne soit Nikki qui vous fasse encore fantasmer.
Hilare, le lapin vous fait glisser dans le chapeau et vous replongez pour un tour, direct, avec ‘Ashes to Ashes’, de David Bowie. Plus grave et plus chargée de graviers que celle de Bowie, la voix de McFadden vous embarque dans les profondeurs inexplorées de ce titre que vous redécouvrez avec plaisir avant de vous plonger, tête la première, dans une superbe adaptation de ‘Run through the jungle’ du Creedence Clearwater Revival. Punaise, ne vous l’avais-je pas dit, cela..? La faute sans doute à cette Eleanor qui m’a ensorcelé, ou à cette Delia qui m’a quitté pour rejoindre Johnny Cash. Pourtant J.P. Harvey m’avait prévenu, d’un baiser salé, me glissant ‘This is Love’, mais je me suis fait embarqué par les Thin Lizzy et le lapin m’a envoyé un grand ‘Got to give it up’ dans le dos. Du coup, j’y retourne, dans la jungle, histoire de ne plus sortir du chapeau.

Un opus pour lequel un seul qualificatif est à sortir du chapeau: énorme!

Frankie Bluesy Pfeiffer
Paris-Move, Blues Matters & Blues Magazine

 

C’est bien plus qu’un lapin de son chapeau qu’Eric sort là! Ce sont quinze petits joyaux étincelants de mille feux que l’artiste vous jette à la face. Faire ses preuves, en reprenant les morceaux fameux d’autres formations célèbres est un exercice de style que tout artiste est tenté d’accomplir. Beaucoup ont, d’ailleurs, commencé en faisant cela…au fond de leur cave ou dans un garage servant de studio de répétition. Dans le cas présent, la démarche est radicalement différente puisqu’il s’agit, au contraire, de reprendre les incontournables d’autrui et de les revisiter pour les servir à la sauce McFadden. De relevés, les morceaux deviennent beaucoup plus épicés. Ils trouvent tous une seconde existence, en quelque sorte. De même que l’on ne ressort jamais indemne d’une prestation de l’Américain en live, les morceaux interprétés sont broyés, ingurgités, ingérés et absorbés par le génial musicien qui vous les restitue après les avoir passés par sa moulinette à l’affect incontournable. Du coup, ils ne se laissent plus écouter de la même façon innocente. De puissants, ils deviennent monumentaux et invincibles et ne craignent plus aucune comparaison ou autre sempiternelle critique acide de petit scribouillard.
La palette est large des artistes qu’il décide de revisiter avec ce talent spécifique qui lui confère ce coup de patte reconnaissable entre tous. Davis, Bowie, Tom Waits, Leonard Cohen, Prince, Johnny Cash ou Bob Dylan, pour ne citer que quelques uns de ces songwriters auxquels il emprunte textes et musique, sans oublier Led Zeppelin, les Stones, les Beatles ou les Doobie Brothers, pour les groupes qui font référence sur la planète rock, et j’en passe.
Eric McFadden n’hésite pas à s’attaquer à ces pointures là, justement parce que ce qu’il veut nous faire écouter est plus important que tout le reste. Se saisir des compositions des plus grandes icônes pour faire mieux, n’est pas du tout son objectif. Ce que veut faire McFadden est plus important que cela, plus authentique aussi, car c’est d’une véritable mise à nu qu’il s’agit. Ce qu’il nous donne à écouter, c’est la manière dont sa sensibilité lui a permis de réinterpréter ce que d’autres avaient écrit. Une façon d’être encore plus authentique que d’habitude. Et plus intense que tout, c’est ce besoin de nous offrir sa propre lecture de ces morceaux de légende qui le submerge. Sa voix, ses orchestrations et son jeu de guitare vous prennent à la gorge, vous étranglent, vous font suffoquer de plaisir et vous découvrez un artiste que vous croyiez connaître par cœur, et que vous redécouvrez pourtant, de fond en comble.

Dominique Boulay
Blues Magazine