Blues |
Avec ce nouvel album, ‘Booker’s Guitar’, Eric Bibb réussit le challenge de non seulement rendre hommage aux anciens bluesmen, dont Bukka White, mais aussi à tous les noirs qui furent importés aux States et dont le blues fut le seul moyen pour crier aux travers de leurs chansons tout ce qu’ils avaient sur le cœur, leur âme blessée, leur chair maltraitée, leur statut d’homme réduit à celui d’esclave.
‘L’esprit noir est libre. C’est le cri de toute une communauté acceptant cette négritude à laquelle elle doit sa conviction que jamais l’esprit de l’homme noir ne se laissera enchaîner.’
Difficile pour un homme, et noir de peau, de pouvoir reproduire ce cri sans tomber dans le cliché ou le surfait, et toute la magie du poète-troubadour Eric Bibb est d’avoir réussi au travers de 18 chansons de faire revivre ce cri du cœur, et avec cette émotion intacte qui donne une luminosité sombre et belle à la fois à chacun des titres interprétés ici.
Après douze années – et autant d’albums – passées à essayer toutes les expériences, du duo au trio en passant par des formations plus étoffées, il aura fallu que le hasard (mais le hasard existe-t-il…?) lui mette entre les mains la vieille National de Bukka White pour que d’un coup vienne le déclic. La révélation. Comme si d’un coup tout le passé des Noirs d’Amérique venait de reprendre vie entre les doigts d’Eric Bibb.
‘Sur le plan spirituel, le fait de jouer sur la guitare de Booker a bouleversé en profondeur mon rapport au Blues traditionnel. Cela tenait à la fois de l’épreuve initiatique et de la grâce. Je me suis dit que le moment était venu pour moi de rendre un véritable hommage à la musique et aux artistes de cette époque révolue.’
Le CD est un hommage, une volonté de transmettre une prise de conscience profonde de ce que fut ce pan d’histoire que les Etats-Unis n’ont peut-être pas encore totalement digéré, malgré l’élection de Barack Obama à la Présidence. Un pan d’histoire qu’Eric Bibb va vous faire ressentir au travers de dix huit titres à l’émotion à fleur de peau.
Un disque qui va, à sa manière, marquer l’histoire du Blues. Un disque qui mérite plus que le respect, l’amour.
Frankie Bluesy Pfeiffer