Jazz |

Un album de jazz soigneusement conçu, mais qui peine à toucher l’âme.
Il est des albums qui suscitent immédiatement des réactions tranchées, émerveillement ou exaspération, et d’autres qui laissent l’auditeur dans une forme d’indécision. Ce disque appartient sans conteste à cette seconde catégorie. Musicalement, il s’agit d’un exercice de style remarquable: un jazz raffiné, impeccablement exécuté, qui puise largement dans l’héritage du passé. Élégant et maîtrisé, il incarne à la perfection les codes du genre classique, sans pour autant oser s’aventurer vers des terres nouvelles ou émotionnellement plus risquées.
Sur le plan vocal, l’impression est plus mitigée. La voix est juste, techniquement irréprochable, mais cruellement dépourvue d’émotion. On pense parfois à Carol Duboc, sans pour autant retrouver chez l’interprète la capacité à faire vibrer l’auditeur. Ici, la technique prend le pas sur l’expression, et le chant, aussi lisse que neutre, finit par se fondre dans l’arrière-plan sonore. C’est un album qui s’écoute sans effort, presque distraitement, l’attention étant captée çà et là par les musiciens, dont la performance reste, il faut le souligner, remarquable. Leur virtuosité parvient à maintenir l’intérêt jusqu’à la dernière piste.
On termine l’écoute satisfait, mais sans bouleversement, heureux d’avoir découvert ce disque, sans pour autant éprouver le besoin d’y revenir.
Le principal défaut de cet album est sans doute son désir de plaire à tout prix. Il séduira les amateurs d’un jazz sage et accessible, ceux qui cherchent une écoute agréable, sans aspérité. Ce type de projet, nous en avons connu bien d’autres au fil des décennies: des chanteuses techniquement solides, à la carrière souvent brillante, mais rarement transformatrice pour le genre. Ici, on est loin, très loin, de la puissance émotionnelle du dernier album de Lauren Henderson, Sonidos, dont chaque note semblait vibrer d’une sincérité rare.
Sur le plan des textes, l’on reste dans une forme de poésie facile, consensuelle, qui ne cherche ni à troubler ni à faire réfléchir. On devine pourtant une volonté de soigner le rythme de l’album, d’enchaîner les titres avec méthode pour maintenir l’attention de l’auditeur, et cela fonctionne. Mais l’uniformité du chant finit par lasser, dès le cinquième morceau. Il faut dire que l’année nous a déjà offert plusieurs projets vocaux autrement plus ambitieux, et celui-ci risque fort de s’évaporer rapidement de nos mémoires.
À recommander, donc, aux amateurs d’un jazz sage, maîtrisé, sans surprises. Mais pour ceux qui attendent de la musique qu’elle remue, qu’elle ose et qu’elle bouleverse, cet album laissera sans doute un goût d’inachevé.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, July 15th 2025
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Musicians :
Emma Hedrick, voice
Connor Rohrer, piano
Anton Kot, drums
Thor Eide Johansen, bass
Shane McCandless, saxophone
Tracklist :
The Idea of Love
Dreamscape
Newcomer
In The Warmth
Tone Poem In Grreenwich Village
Spring Haiku Collection
Inside Your Mind
In The Garden
Come Home
Waste No More Days