ED SNODDERLY & THE SHOESTRING SEVEN – Chimney Smoke

Majestic Records / Need To Know
Americana
ED SNODDERLY & THE SHOESTRING SEVEN - Chimney Smoke

Natif de Knoxville dans le Tennessee, le guitariste, pianiste, chanteur et songwriter Eddie Lynn Snodderly est le rejeton d’un représentant de commerce et d’une femme au foyer, mais aussi le petit fils d’un agriculteur violoniste qui accumulait les récompenses dans les conventions old-time se tenant dans la région, au cours des années 20 et 30 du siècle écoulé. Ce bon Ed co-fonda avec un ami le légendaire coffeehouse Down Home (dont la photo de la façade figure au dos du livret du présent disque) à Johnson City, dans le même État, avant de publier son premier LP, “Sidewalk Shoes”, en 1977. Au Down Home, Ed et son pote Joe Leach accueillirent un paquet d’artistes aussi roots et divers que Norman Blake, Willie Dixon, John Lee Hooker, Ramblin’ Jack Elliott, Queen Ida, Koko Taylor ou encore Townes Van Zandt. Bon an mal an, Ed parvint à concilier ses activités de manager de scène musicale avec sa propre carrière de performer, jusqu’à enregistrer une jolie brochette d’albums, que ce soit en duo avec son comparse Eugene Wolf (sous l’appellation The Brother Boys), ou encore en leader (comme sur celui-ci, son dixième à ce jour), pour finir même par se voir attribuer un petit rôle (celui d’idiot du village) dans le film “O’ Brother, Where Art Thou?” des frères Coen. Songwriter prolifique, Snodderly anime depuis une trentaine d’années des classes de songwriting au sein de l’ East Tennessee State University. Nombre de ses chansons furent adaptées par des pointures telles que Jerry Douglas, John Cowan ou Missy Raines, et il est désormais autant bardé de prix que son fameux grand-père (ne s’est-il pas vu décerner en 2020 un “Lifetime Achievement Award” par la Southern Region Of Folk Alliance “for his contributions to Southern Folk Music”?). Et pour ultime couronnement, un des vers de sa chanson “The Diamond  Stream” (ici incluse en bonus track) orne le Mur d’Honneur du Country Music Hall Of Fame & Museum de Nashville… Voilà qui pose un homme, mais Ed n’a jamais été du genre à se reposer sur ses lauriers, et si les invités se bousculent désormais à la porte du studio où il enregistre, c’est davantage par considération envers sa muse que par déférence ou simple opportunisme. On ne citera ainsi, par souci de concision, que la demi-douzaine de co-vocalistes ici présents, de Malcolm Holcombe (dont nous avons chroniqué le dernier album ICI) à Gretchen Peters, en passant par Maura O’Connell, Amythyst Kiah, et son vieux complice Eugene Wolf (tandis que le producteur R.S. Field est également mis à contribution dans ce registre). Si l’on dénombre effectivement autour de Ed pas moins de sept instrumentistes, la tonalité est essentiellement acoustique (quasiment pas de batterie, si ce ne sont les occasionnels brushes on a snare, mais un bruissement de guitares – pour la plupart non électrifiées – parmi lesquelles celles de Ed attestent sa profonde culture des traditions bluegrass appalachiennes). Avec la pedal steel ondulante de Steve Hinson “Gone With Gone And Long Time” dresse un pont pas si saugrenu entre George Jones et le Piedmont Blues de John Jackson et Cephas & Wiggins, tandis que la plage titulaire hésite entre Willie Nelson et Woody Guthrie, pour se gausser avec malice de l’arrogance des gens de la ville envers les prétendus bouseux dont Ed se revendique avec fierté. Le folky “There You Are” s’inscrit dans la veine des John Prine, Guy Clark et Townes Van Zandt, si proche du Dylan de “John Wesley Harding” que l’on n’ose le concéder, de peur de lui porter préjudice. Mais “The Barn” a vite raison de nos dernières réticences envers ce genre de comparaisons. Avec ses majestueuses  orchestrations signées Chris Carmichael, la ballade mélancolique “Just Like You River” s’avère autant un requiem qu’une élégie, que Ed dédie à une certaine Anndrena Belcher. Sur un picking proche de celui du “Blackbird” de McCartney, “Jump Dance South” se drape bientôt d’un piano et d’un accordéon, tandis qu’avec sa batterie, ses cordes et sa wah-wah caquetante (façon “Do It Again”), le facétieux “Crow’s Fever” frise le funk et name-drops successivement Lightning Hopkins, Rembrandt, Sergeant Pepper’s et Albert Einstein: sans doute la plage la plus fun du lot, pour indiquer que ce brave Ed sais aussi s’amuser. Entre J.J. Cale, John Hiatt et Tom Petty en fin de course, “Walking In The Sunshine Again” aurait sans doute pu faire le bonheur de Mark Knopfler et Dire Straits. Espérons toutefois qu’il ne subisse jamais pareil outrage. Évoluant à mid-tempo sur le tapis moelleux que lui tricotent piano, contrebasse et balais, “Before School” tutoie carrément Leonard Cohen et Calvin Russell (que ceux que ce rapprochement offusque nous écrivent, ou viennent nous chercher, comme disait un certain Manu). Le guilleret “So Far Away” ne se départit pas d’une nostalgie accentuée par des arrangements qui lui confèrent une touche évoquant les Kinks de “Face To Face”, avant que le ragtime “The Diamonds Stream” ne nous achève avec son picking entre Doc Watson et John Hurt. Un album de très belle facture, d’une inspiration constante et d’une classe non péremptoire (lyrics included).

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 13th 2023

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The Down Home

https://www.youtube.com/watch?v=mqoqx9ADC4Q

https://www.youtube.com/watch?v=34T1YVcSoxU