Americana, Blues |

Présenté par le New York Times à ses débuts comme “le chaînon manquant entre Townes Van Zandt et Tom Waits”, ce chanteur, songwriter et guitariste de 31 ans, originaire de l’Alabama, fut révélé par le label de Dan Auerbach. Et comme pour ses deux prédécesseurs, c’est ce dernier qui en assure bien entendu la production. Sur celui-ci, nos lascars ont opté pour un dépouillement plus poussé encore, puisque près de la moitié de ces douze plages ne présentent que la basse d’Adrian Marmolejo en soutien de la guitare et de la voix de Fredrick James Mullis Jr (alias Early James), tandis qu’un certain Sam Bacco officie aux congas sur deux plages, et que le batteur Jeffrey Clemens (ex-G Love & Special Sauce) en fait autant sur les six autres. Capté au Buddy’s Honky Château de Nashville (d’après l’album du même nom qu’Elton John enregistra en 1972 à Hérouville, chez le regretté Michel Magne), ce nouveau recueil s’ouvre sur l’enlevé vintage appalachian country “Steely Knives”, pour se poursuivre avec “Nothing Surprises Me Anymore”, entre Charlie Poole, Merle Travis, Roscoe Holcomb et Earl Scruggs. On navigue alors en plein néo-hillbilly, et sur cette seconde plage, James profite d’être seul en lice pour opérer de brusques changements de tempo. Sur “Tinfoil Hat” (sans relation avec l’album éponyme qu’enregistra Popa Chubby il y a quatre ans, et chroniqué ICI), il empoigne une guitare électrique nimbée de reverb et de sustain pour une diatribe complotiste digne du “Acute Schizophrenia Paranoïa Blues” des Kinks. Après ce déluge limite grunge, les languides “Go Down Swinging” et “Beauty Queen” prennent des accents quasi-rebetiko, tandis que les congas et la contrebasse confèrent au premier cette touche rétro à laquelle souscrirent tant Pokey Lafarge et Leon Redbone. “Rag Doll” persiste dans cette veine, mais avec cette fois le recours à l’amplification twangy électrifiée (autant dire que l’on n’y est guère éloigné du son primitif des Black Keys, s’il n’était ces toujours surprenantes variations de beat). Le bluegrass repointe son manche avec le virtuose et vif “Rag Doll”, avant que James ne pousse plus loin son périple en old time music avec la ballade en solo intégral “I Could Just Die Right Now”, dont Jimmie Rodgers et Hank Williams auraient aisément pu faire leur ordinaire (preuve de plus que ce pseudo-iconoclaste connaît son bréviaire traditionnel sur le bout de ses onglets). Digne des nouvelles de HP Lovecraft, l’angoissant “Unspeakable Thing” traite de la terreur d’un équipage confronté à une entité maléfique. Plage la plus réminiscente du registre coutumier de son producteur, “Dig To China” est un electric & raw delta-blues où une slide tranchante et saturée se déploie sur un heavy downhome drumming. La poésie presque pataphysique d’Early James s’exprime à son zénith sur “Upside Down Umbrella”, dont les lyrics évoquent les hallucinations d’un Captain Beefheart sur un strumming & picking dignes du Dylan de “Maggie’s Farm”, tandis que le rythme claudiquant de “I Got This Problem” évoque celui de son “Rainy Day Women #12 & 35” (cuivres exceptés), sur le riff de “Ain’t Nothing Shaking (But The Leavs on The Trees)” d’Eddie Fontaine. Un album inspiré (et souvent en roue libre), qui réjouira les amateurs de vintage folk-blues les plus éclairés.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, January 20th 2025
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