POPA CHUBBY – Tinfoil Hat

Blues-Rock
POPA CHUBBY - Tinfoil Hat

Voyons les choses en face: dans quelle partie du monde Popa Chubby est-il le plus connu? Eh oui les amis, comme pour Calvin Russell, Elliott Murphy et Willy De Ville avant lui, c’est ici et pas ailleurs, pardi. Ce pays recroquevillé, complexé et névrosé à l’extrême dont le Gorafi titrait avec pertinence voici cinq ans: “sondage exclusif, cinq mois avant les élections, 70% des Français détestent déjà le prochain président”. La sympathie dont y bénéficie Théodore Joseph Horowitz n’a cependant d’égale que l’embarras que put parfois susciter sa production pléthorique. Songez donc: pas moins de 35 albums en trente ans, avec les pics boulimiques où il publia (comme en 2003) jusqu’à trois albums la même année! Aussi, quand il nous laisse douze mois sans nouvelles, trouve t-on légitimement matière à s’inquiéter. Se débattant moins que par le passé avec ses déboires post-matrimoniaux, notre Falstaff du blues-rock (fraîchement remarié) n’allait cependant pas franchement plus mal que d’ordinaire, quand le Covid et son cortège de deuils, d’angoisse et de perplexité portèrent un brutal coup d’arrêt à son hyper-activité notoire. Soudain reclus et confiné dans son studio de la vallée de l’Hudson (dans l’État de New-York), que pensez-vous donc qu’il fit? Toutes ressources en éveil, il réactiva son proverbial sens de la débrouille, et commença par expédier sur les réseaux sociaux (comme le ferait un naufragé d’une bouteille à la mer) un appel en forme de ballon d’essai. Les réactions que lui valurent le poignant “Can I Call You My Friends?” ayant eu (toutes proportions gardées) l’effet du 18 juin 40 sur les hordes de ses supporters disséminés de par le globe, Popa s’employa donc à tenter d’animer notre résilience collective. Ne vous abimez donc pas la rétine à scruter la liste des crédits sur le digipack de cette nouvelle livraison: depuis l’ingé-son et le producteur jusqu’à la section rythmique, la guitare, les voix et autres effets spéciaux, tout est home made et signé Popa Chubby (ce qui ne présente pas grand caractère de nouveauté, puisque notre homme fonctionne déjà ainsi depuis toujours). Le “Tinfoil Hat” qu’évoque son titre générique, c’est le fameux couvre chef en papier-alu dont s’affublent certains complotistes, dans le vain espoir de faire barrage aux ondes malfaisantes que diffusent les Reptiliens afin d’asseoir leur hégémonie sur le genre humain. Comme personne à ce jour n’a décelé l’imposante silhouette de Popa parmi les assaillants du Capitole le 6 janvier dernier, on est en droit d’y déceler une nouvelle manifestation de l’ironie acerbe que lui inspire notre époque. Sur un riff emprunté au fameux “Peter Gunn Theme”, la plage titulaire dépeint ainsi la paranoïa aigüe qui s’est emparée du citoyen moyen ces derniers mois. Sur le plan sonore, on songe à une version garage du “Acute Schizophrenia Paranoïa Blues” qu’écrivit Ray Davies voici un quart de siècle. Contrairement aux directives d’un certain Donald, “Baby Put On Your Mask” prône sur un twistin’ beat la stricte obédience prophylactique jusque dans l’intimité de la chambre à coucher. Le mouvement Black Lives Matter inspire ensuite “No Justice No Peace”, ne laissant aucune ambigüité quant aux convictions de notre Buddah du Bronx, dont on reconnaît avec délice le lyrisme instrumental, au fil d’un solo de guitare aussi épique que tellurique. Tout en raillant la langue de bois médiatisée sur l’explicite et savoureux “You Ain’t Said Shit” (dans une veine rétro-doo wop fifties rappelant les Coasters), Popa Chubby entrouvre un rai d’espérance sur le trépidant slide boogie “Someday Soon (Change Is Gonna Come)”. Le morceau de bravoure s’intitule néanmoinx “Another Day In Hell”, et c’est un mid-tempo hendrixien où les six cordes d’Horowitz célèbrent avec passion le lyrisme du divin gaucher, entre “Voodoo Chile” et “1983”, tandis que dans l’esprit de ce que produisaient les Yardbirds avec Jeff Beck, l’instrumental “Boogie For Tony” offre l’occasion de confirmer qu’outre ses talents de guitariste (qui étincellent ici), le Popa n’est pas manchot non plus aux drum-sticks dès qu’il s’agit d’envoyer le Texas-shuffle. “Cognitive Dissonance” est le reggae de rigueur, rappelant à bon escient ce que le grand Donald Kinsey produisit aux côtés du prophète Marley (et Dean Parks auprès de Steely Dan, sur “Haïtian Divorce”). “Embee’s Song” est une ballade soul sentimentale dédiée à sa nouvelle épouse Mary Beth, avant que “1968 Again” ne ferme le ban en slide country blues, sur une troublante impression de déjà vu. Combien d’artistes ayant émergé avec fracas au début des nineties sont-ils aussi productifs et inspirés de nos jours qu’à leurs débuts? Popa Chubby appartient assurément à ce nombre restreint.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, February 11th 2021

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Il a dû en traverser, des périodes difficiles, le Popa dans sa vie. C’est sans doute pour cela qu’il s’est forgé une telle personnalité et le caractère qui va avec. Toujours est-il que comme tout le monde, il se l’est prise dans la tronche, la crise! Et cela n’a fait qu’exacerber sa sensibilité à fleur de peau. C’est même ce qui est devenu le moteur principal de sa puissance créatrice et cela se perçoit dès les premiers riffs. Il faut dire qu’il y avait matière: gestion calamiteuse de la crise, port des masques, réactions contradictoires des foules, et j’en passe. L’écorché vif qu’il est avait donc matière à hurler et à dire. Ses textes se sont donc, eux aussi, affûtés avec la prise de conscience. Amour, espoir, désespoir, angoisse, peur, frustration, douleur, peine, joie, peine, chagrin… Il faut dire qu’ils sont nombreux, les états d’âme qui ont pris possession de nous, ces derniers temps. Ted, comme nous, est passé par là. Il s’est enfermé dans son studio maison pour nous adresser ce message fait d’espoir, d’amour et de résilience. Une fois de plus, c’est dans la musique qu’il a trouvé le salut, et c’est avec encore plus de force et de conviction qu’il souhaite nous associer et nous intégrer dans cette démarche salutaire. Sa guitare redevient, certes, une arme contre les injustices de toute sortes, mais elle lui sert également à délivrer un message de bonne conduite: Baby Put On Your Mask. Un album criant de vérité et de sincérité, avec 11 morceaux façonnés “maison” dans ce plaidoyer en faveur de l’humain par-dessus tout! Tous les morceaux ont été enregistrés dans son laboratoire de l’Hudson Valley, New York, entre le 16 mars et le 29 septembre 2020. Et tous sont dédiés à la mémoire de toutes les victimes décédées et vivantes du virus!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, February 12th 2021

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Popa Chubby – Tinfoil Hat (Official):

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